15 mars 2024

AMÉDÉE PIERRE : Scandale dans la famille


Offert par Philippe R. à Saint-Nazaire le 5 mars 2023
Réf : 424.658 BE -- Édité par Philips en France vers 1965
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Scandale dans la famille -- Sédé-sédé -/- Bli pjera -- R.D.A. martyr

Voici le troisième des quatre disques issus de sa collection que Philippe R. m'a offerts il y a un an, après le Yin Dikan et l'Afro-Succès. On reste en Afrique avec Amédée Pierre et un bel EP en bon état, avec sa photo de pochette lumineuse, musicale et familiale, sans qu'il y ait l'ombre d'un scandale, a priori. Et justement, j'ai choisi ce disque en partie parce que son titre principal est Scandale dans la famille, une excellente chanson sur laquelle je m'étais penché à l'été 2022.

Je ne connaissais pas du tout Amédée Pierre (1937 ou 1931-2011), un musicien de Côte d'Ivoire qui a pourtant une discographie conséquente, avec une cinquantaine de 45 tours et quelques albums, son parcours ayant débuté en 1959 avec la création de l'Orchestre Ivoiro Star. Il était surnommé le Dopé National, "dopé" signifiant "rossignol" dans sa langue maternelle, le bété.

La version de Scandale dans la famille est de très bonne tenue. Elle est chantée en français à la façon de celle de Sacha Distel, ce qui permet de la dater à peu près de l'année 1965. Le plus intéressant, c'est l'intervention de l'instrument à vent (une clarinette ?) qui ponctue le chant à partir du premier refrain.

Les trois autres titres sont des originaux signés Amédée Pierre. Et plus on avance dans le disque, meilleur c'est.

Sédé-sédé est typiquement de la musique afro-cubaine. le titre est annoncé au dos de la pochette comme étant dans le style sabrosso. Je n'en ai pas trouvé trace nulle part, mais "Sabroso" signifie délicieux en espagnol et, des années plus tard, une chanson de Compay Segundo portera ce titre. La guitare électrique solo est ce qu'il y a de plus remarquable dans cette chanson.

Sur la face B, Bli pjera est très bien, avec un jeu de basse particulier, qui me rappelle le babatone mono-corde de Madalitso Band.

Mon titre préféré du disque, c'est R.D.A. martyr, qui est présenté lui comme étant du cara-cara, un autre style musical complètement inconnu pour moi. Pour un français de ma génération, l'acronyme R.D.A. évoque instantanément la République Démocratique Allemande. Dans le contexte, je pense que la chanson fait plutôt référence au Rassemblement Démocratique Africain, au sein duquel des personnalités ivoiriennes ont joué un rôle éminent.
Percussions, guitare, cuivres, c'est excellent. A l'écoute, j'ai repensé à un autre excellent disque qu'on m'a offert, celui de Mamadou Doumbia. En revérifiant, il se trouve que Mamadou Doumbia est lui aussi de Côte d'Ivoire et ses disques sont produits, comme celui-ci, par Safie Deen.

Avec Amédée Pierre, comme avec Mamadou Doumbia, il y a tout un monde d'excellentes chansons à découvrir. Amédée Pierre était une figure importante de la musique ivoirienne, et pourtant, aucune réédition ou compilation officielle de sa production n'est disponible par chez nous.

René Babi a publié en 2010 un livre qui revient sur le parcours d'Amédée Pierre, Amédée Pierre, le Dopé National, grand maître de la parole.


Amédée Pierre interprète une chanson en direct dans l'émission Le grand plateau. Prestation rediffusée dans le cadre d'un hommage par la Radiodiffusion Télévision Ivoirienne.

09 mars 2024

THE CURE : Just like heaven


Acquis d'occasion dans la Marne vers la fin des années 2000
Réf : 887-104-7 -- Édité par Fiction en France en 1987
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Just like heaven -/- Snow in Summer

J'ai repensé à ce disque après avoir vu un échange sur Twitter où un anglophone s'étonnait qu'une émission française ait utilisé Just like heaven comme générique. Ce que cette personne ne savait pas, mais ce que savent tous les fans français de rock qui étaient en âge de regarder la télé en 1986, c'est que cette composition de The Cure a d'abord été le générique de Les enfants du rock à partir de septembre 1986, avant que l'enregistrement instrumental soit complété et la chanson terminée pour être incluse en 1987 sur l'album Kiss me, kiss me, kiss me. Elle sera aussi le troisième titre à être extrait de l'album en single.
Cette "exclusivité" s'explique sûrement par le fait que la bande des Enfants du rock soutenait The Cure depuis ses débuts et que le groupe avait un vrai succès populaire en France depuis The head on the door. Et en plus, The Cure enregistrait à ce moment-là son album dans le sud de la France.


Pour ma part, j'ai arrêté d'acheter les disques de The Cure au moment de leur sortie après The walk en 1983, avec juste une exception en 1984 pour la cassette de l'album Concert et surtout sa face B de raretés Curiosity. Mais ça ne m'a pas empêché d'apprécier quand ils sont sortis les excellents singles qu'étaient The caterpillar, In between days et Close to me, et depuis je me suis rattrapé en achetant quasiment tous les albums qui me manquaient.

Assez logiquement, la maison de disques a ajouté sur la pochette de cette édition un autocollant pour préciser qu'il s'agit de la musique du générique des Enfants du rock. Sur mon exemplaire, le fond de l'illustration est bleu. Il existe avec la même référence catalogue une pochette sur fond noir, avec une face B différente, Breathe.

La version du single de Just like heaven est remixée par Bob Clearmountain, un ingénieur du son américain très réputé. A part 10 secondes de plus, j'ai du mal à repérer des différences avec la version de l'album, et c'est tant mieux. La chanson déroule une très belle mélodie, ce qui je dirais la situe dans la lignée de Boys don't cry et In between days. La plupart des éléments musicaux étaient déjà présents dans la démo de début 1986. La mélodie principale a visiblement été composée au piano.
La version "acoustique" de Just like heaven enregistrée en 2001 pour le disque bonus de Greatest hits est d'excellente tenue. Elle a même l'avantage par rapport à l'originale d'être débarrassée des nappes de synthé qui l'encombraient.
Pour les paroles, les deux premiers couplets et le refrains sont lumineux, légers et même sensuels. Mais c'est Robert Smith, et au dernier couplet il s'avère qu'il rêvait, peut-être même depuis des jours, et il se réveille seul, perdu comme comme il l'était dans le cauchemar où il errait dans une forêt quelques années plus tôt.
Outre le générique télé, Just like heaven a acquis son statut de classique dès 1989, quand Dinosaur Jr a sorti en single sa version, plus bruyante, presque grunge avant l'heure, mais aussi très fidèle à l'original.

La face B, Snow in Summer, est une vraie chanson, probablement issue des sessions de l'album. C'est une face B tout à fait honorable, parfaitement dans le style du groupe à cette époque.

Cela fait des années maintenant que Robert Smith annonce qu'un nouvel album de The Cure est prêt à sortir. On ne l'a toujours pas vu venir, et je ne peux pas dire que je trépigne d'impatience. En tout cas, ça n'a pas empêché le groupe de faire une grande tournée en 2022-2023.


The Cure, Just like heaven, filmé en France en 1987 pour Rockline dans Les Enfants du rock. L'émission complète est ici.



02 mars 2024

CASTELHEMIS : Roger (Cha cha cha)


Acquis chez Récup'R à Dizy le 18 septembre 2021
Réf : COB 47010 -- Édité par Cobra en France en 1978
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Roger (Cha cha cha) -/- La favella de Levallois (Tchik y tchik)

J'ai un peu hésité à prendre ce 45 tours à la ressourcerie, parce que la pochette et le disque ne sont pas en très bon état, et surtout parce que j'ai longtemps associé Castelhemis à ces chanteurs français contestataires ou non des années 1970 qui appartenaient à la génération baba d'avant moi. Pourtant, au tournant des années 1970-1980, j'ai vu Béranger, Mama Béa et Thiéfaine en concert. Mais, quand j'ai commencé à me forger mes goûts avec la new wave, j'ai eu tendance à rejeter toute cette génération, même s'il y a eu une exception pour Higelin et Lavilliers, en mettant dans ce sac des artistes que j'apprécie maintenant, comme Colette Magny et Brigitte Fontaine.

En fait, jusqu'à ce que je récupère et apprécie son premier album Armes inégales 1977, je n'avais jamais écouté Castelhemis. Et loin d'être un contestataire barbant, je le rapprocherais plutôt de Louis Chédid ou de Vassiliu, avec qui il partage un goût pour la musique brésilienne.

Un peu comme Blondie avec Debbie Harry, Castelhemis est plutôt le nom d'une formation que celui d'un artiste. L'auteur-compositeur-chanteur c'est Philippe Laboudigue. Très tôt surnommé Castel quand il était membre d'une troupe d'animation médiévale, il a d'abord fait partie du duo Castel & Vendôme (deux 45 tours en 1969 et 1970), avant de fonder un autre duo avec le chanteur d'Arthemis, tout naturellement baptisé Castelhemis, un nom que Laboudigue conservera par la suite, et sous lequel il donnera des concerts pendant plusieurs années, notamment dans le réseau des MJC, avant d'envisager de sortir un disque.

Je ne regrette pas mon achat de ce 45 tours, qui est sorti entre les deux premiers albums, et dont la face A n'a jamais été publiée ailleurs.
Cette face A, Roger, est un portrait de vacancier, en cha cha cha bien sûr, mais aussi avec un intermède disco de fièvre du mardi soir (on est en 1978...). Les paroles pourraient être un résumé anticipé du film Camping, et nous montrent Roger le roi des galets (ça ne peut pas être un hasard) pendant sa parenthèse de vacances, avant qu'il ne retrouve sa solitude.

La face B La favella de Levallois (Tchik y tchik) était, avec un titre inversé (Tchik y tchik (La favella de Levallois)), la chanson d'ouverture de l'album Armes inégales. En tant que tel, elle avait été repérée et a contribué au succès de cet album qui, même des années plus tard, se vendait encore à 1200 exemplaires par mois (information tirée de l'entretien avec Jacques Vassal paru dans Paroles & Musiques en 1986). En toute logique, le label aurait dû sortir Tchik y tchik en face A de 45 tours au moment du succès de l'album, avant d'enchaîner avec Roger. C'est un peu du gâchis, mais là on a du coup deux excellentes chansons sur ce disque.
Cette fois, la chanson est une chronique de banlieue, même si la commune de Levallois elle-même n'est pas réputée je crois pour ses grands ensembles. Le rythme est enlevé, l'ambiance a l'air assez joyeuse, malgré les Ayayaï et les Ouyouyouy, mais le dernier couplet nous montre que tout n'est pas vraiment gai : "Car j’ai oublié de vous dire que l’enfant au lieu de sourire, danser le faisait pleurer, pauvre enfant dans la cité".

Castelhemis a sorti six albums jusqu'en 1988, avant de se lancer dans de nouvelles aventures, notamment dans la restauration. Philippe Laboudigue est mort en 2013 à 64 ans. L'association Castelhemis & Co lui rend régulièrement hommage. Elle a notamment porté le projet de la compilation 78-88 parue en 2002 et a organisé une soirée-hommage en ligne pour commémorer les dix ans de sa mort.

Cette chronique est évidemment tout spécialement dédiée à Philippe R.

25 février 2024

BOSTON : More than a feeling


Acquis par correspondance via Ebay en janvier 2024
Réf : EPC 4658 -- Édité par Epic en Allemagne en 1976
Support : 45 tours 17 cm
Titres : More than a feeling -/- Smokin'

Dans mon quartier, le hard rock régnait en maître à la fin des années 1970. Et ceux qui n'écoutaient pas du hard penchaient plutôt pour le progressif, alors autant dire que, avec ma new wave, j'étais plutôt minoritaire. Je baignais donc dans le hard, sans jamais vraiment tomber dedans. J'ai refilé ou revendu mon exemplaire de Physical graffiti, écouté un peu de Deep Purple et de Rainbow, et jamais vraiment accroché à AC/DC ni à Kiss.
Pour Boston, c'est un peu différent. Je ne suis pas allé jusqu'à acheter leurs disques, mais un pote, sûrement, Eric Ma., nous avait prêté l'album et j'avais été suffisamment intéressé pour m'en faire une copie sur cassette.
Et j'avais aussi ingéré toute la mythologie du groupe, que j'aurais pu vous ressortir pour cette chronique sans faire de recherche documentaire : Boston, c'est l'histoire de Tom Scholz, ingénieur et inventeur, qui peaufine pendant des années l'enregistrement de ce qui deviendra le premier album de Boston dans son propre studio, en jouant la plupart des instruments. Lorsque l'album sort, c'est le succès immédiat et inattendu aux États-Unis, où le disque s'est vendu depuis 1976 à 17 millions d'exemplaires.
La pochette de l'album, qui est aussi celle de ce 45 tours, est devenue iconique. Il faut croire que je ne l'avais jamais vraiment étudiée de près, car je ne me souvenais pas que les soucoupes volantes sont des guitares électriques, qui s'éloignent d'une planète terre en train d'exploser en emportant une ville sous cloche, celle au premier plan étant bien entendu Boston.
J'ai tendance à parler de hard rock au sens large à propos de Boston, mais à l'époque on les classait plutôt dans ce qui s'appelait le rock FM (à une époque où, en France, il n'y avait quasiment que trois stations, France Musique, France Culture et FIP, qui émettaient en modulation de fréquence). D'ailleurs, sans surprise, on retrouve More than a feeling en bonne place en 1978 sur la bande originale du film FM, aux côtés de Foreigner, Eagles ou Steely Dan.

Depuis toutes ces années, je me souviens de la première chanson de l'album, More than a feeling, et je chantonne souvent son refrain. J'ai commandé ce single sans la réécouter au préalable.
Je n'avais jamais fait attention aux paroles de la chanson, mais il s'avère que ce "plus qu'un sentiment", c'est le pouvoir d'évocation nostalgique de l'écoute d'une vieille chanson. Tout le monde connaît bien ça !
Au bout du compte et sans trop de surprise, il n'y a pas grand chose que j'apprécie vraiment dans More than a feeling. L'intro à la guitare acoustique est très bien, mais tous les marqueurs du hard rock me hérissent, du chant haut perché à la guitare solo virtuose, en passant par la batterie marquée. Mais j'aime toujours ce que j'avais retenu de la chanson, le passage avec un riff de guitare bien basique suivi du court refrain. On ne l'entend que deux fois sur le 45 tours, mais c'est répété une fois de plus dans la version de l'album, plus longue d'une minute vingt, ce qui aide la chanson à bien rester en tête.
Notons que, lors du festival de Reading en 1992, Nirvana s'est amusé au moment de jouer le tube Smells like teen spirit. Ils ont fait un faux départ en forme de reprise de More than a feeling, une façon d'admettre la proximité entre les deux riffs.

En face B, Smokin' est rock boogie que Status Quo ne renierait pas. J'apprécie la partie instrumentale avec l'orgue en instrument principal (jouée par Tom Scholz, évidemment),qui est bienvenue car ça change des tricotages aigus à la guitare électrique.

Je n'ai pas suivi Boston au-delà de la cassette de ce premier album. Mon frère Eric, lui, qui s'est mis à la guitare électrique à cette époque, vers 1978-1979, tient le groupe en haute estime. Avec l'un de ses groupes post-Epsylon, il a même repris un autre des titres du premier album, Foreplay/Long Time.




Boston, More than a feeling et ci-dessous Smokin', en concert le 17 juin 1979 au Giants Stadium dans le New Jersey. Le concert complet est ici.



18 février 2024

CAPTAIN SENSIBLE : Wot!


Acquis chez Carrefour à Châlons-sur-Marne en 1982
Réf : AMS 12.9228 -- Édité par A&M en Europe en 1982
Support : 33 tours 30 cm
Titres : Wot! -/- Strawberry dross

En 1982, grâce à un concert de Dolly Mixture, j'étais aux premières loges pour participer au succès inattendu de Captain Sensible, dont Happy talk, la reprise d'une chanson de la comédie musicale South Pacific, a été classée numéro un des ventes en Angleterre.
Il y a eu une édition européenne de Happy talk, mais je pense qu'on l'a à peine vue dans les magasins et en tout cas ce disque est passé complètement inaperçu par chez nous.
Pour le single suivant Wot!, extrait lui aussi de son premier album solo Women and captains first, c'est un peu l'inverse qui s'est passé : il n'a pas dépassé la 26e place dans les hit parades anglais mais s'est très bien vendu dans plusieurs pays européens, dont la France où il a été certifié disque d'or (500 000 exemplaires vendus).
Captain Sensible a bien apprécié les a-côtés de ce succès inattendu : encore récemment, dans Uncut et aussi dans Le Parisien, il expliquait avoir bien profité des limousines avec chauffeur, des bons restaurants et des hôtels de luxe mis à sa disposition quand il se déplaçait pour une prestation télé.
Le succès de Wot! a été prolongé car sa vidéo rigolote a été diffusée très régulièrement pendant toutes les années 1980 par les robinets à clips des chaînes de télévision.
Pour ma part, fort de l'expérience Happy talk, j'ai été l'un des premiers acheteurs de Wot!. Je me suis offert le maxi chez Carrouf à Châlons pour 33,20 F.

Wot! fait partie des ces chansons directement inspirées par le rap, et spécifiquement il me semble par le tube immense de 1979, Rapper's delight de Sugarhill Gang.
On dit que, par la suite, Blondie a été l'un des premiers groupes pop à avoir un succès international incluant une partie rappée (Rapture en  1980), mais c'est une chanson que je n'apprécie pas particulièrement.
Avec Chacun fait (c'qui lui plaît) en 1981, on a eu la preuve que la France était mûre pour le rap et, en 1982, on a notamment eu droit en mai à The message de Grandmaster Flash et The Furious Five puis en août à Wot!, donc.
Pour ma part, je n'avais pas encore conceptualisé la hip-pop optimiste en 1982, mais Wot! en est un parfait spécimen.

C'est intéressant d'apprendre aujourd'hui que la chanson est littéralement construite sur une situation vécue. Lors d'une tournée aux États-Unis avec les Damned, Captain Sensible avait été réveillé par un marteau-piqueur dans la rue. Il s'était plaint à la direction, mais celle-ci ne pouvait évidemment rien y faire et le son qu'on entend au début de la chanson, c'est l'enregistrement de ce que le Captain entendait dans sa chambre, qui lui avait servi de preuve pour se plaindre ! Les paroles du premier couplet, la pochette et la vidéo illustrent cette anecdote. On notera dans tout ça l'ironie d'un punk qui se plaint de tapage sonore !
J'ai toujours été étonné de voir que c'était Tony Mansfield de New Musik, groupe pop synthétique, qui avait produit Women and captains first. En fait, il avait d'abord produit en 1981 le Friday 13th EP des Damned. Captain Sensible lui avait fait écouté quelques-unes de ses démos, des chansons jugées trop jolies par les Damned et Mansfield a joué l'intermédiaire pour lui permettre d'être signé en solo par A&M.
La version maxi de Wot! est très réussie et je la préfère à celle du single. La chanson est allongée allongée au début et à la fin, mais c'est très bien fait et les meilleurs éléments sont mieux mis en valeur : la rythmique industrielle, la basse, la guitare funky et surtout les chœurs de Dolly Mixture qui font écho au Captain ("He said Captain, he said wot!").

La face B, Strawberry dross, est très intéressante également. C'est un qu'un titre générique (Scories de fraise), dont on ne peut que penser qu'il fait référence à l'album Strawberries des Damned qui allait sortir. En fait, on a ici une dizaine de chansons très courtes enregistrées par Captain Sensible dans sa chambre avec un magnéto Portastudio. Ce sont sûrement celles qu'il avait fait écouter à Tony Mansfield, mais ce qui m'étonne c'est que, autant que je sache, elles n'ont pas été enregistrées par la suite.
Le ton est donné par l'excellente première composition ("People shout, he's all smashed up, he's on the magic roundabout"), la première d'une série de pépites pop et psychédéliques, dans la veine du Pink Floyd de Syd Barrett ou de leurs héritiers Television Personalities. Mais il y aussi dans lot un instrumental au piano à la Louie Louie, du Diddley beat à la boite à rythmes et pour finir un rockabilly ("Rock on ! I like a bitch rich") avec chœurs de Dolly Mixture et solo de guitare.

Ces temps-ci, Captain Sensible est actif avec son projet The Sensible Gray Cells, qui a sorti un single à Noël dernier, et aussi régulièrement avec les Damned, avec qui il tournera en Angleterre fin 2024.





10 février 2024

JONATHAN PERKINS AND THE FLAME : A little hate (makes love much better)


Acquis par correspondance via Ebay en janvier 2024
Réf : ZD44178 -- Édité par Anxious en Europe en 1991
Support : 45 tours 17 cm
Titres : A little hate (makes love much better) (7" version) -- The hangman -- When Christina sleeps -- A little hate (makes love much better) (The big noise remade)

Les interviews de musicien ce n'est pas trop mon truc. On se retrouve la plupart du temps à tourner autour des mêmes sujets (comment s'est passé l'enregistrement, les sources d'inspiration, la tournée actuelle, les projets...) dans une situation artificielle qui débouche rarement sur quelque chose d'intéressant.
Cela fait bien longtemps que j'ai cessé de me plier à cet exercice. Quand j'ai l'occasion de rencontrer un artiste, je le salue, je papote un peu avec lui et, si j'ai une question qui me trotte la tête, je la pose si l'occasion se présente.

Comme je l'ai raconté il y a plus de quinze ans quand j'ai chroniqué le premier album d'Eurythmics, j'ai été amené à la fin des années 1980 et au début des années 1990 à conduire pas mal d'interviews pour Radio Primitive, dans le cadre de nos échanges de bons procédés avec les maisons de disques et en bonne partie parce que j'étais l'un des rares de la bande à parler anglais. La plupart du temps c'était quand même intéressant, même quand ce n'était pas des gens que je suivais de près. J'ai comme ça passé à la question Brenda Kahn, Blur, Keziah Jones, The Opposition par téléphone (ce qui m'a valu un 45 tours promo autographié en cadeau de remerciement).
Mon plus gros plantage, c'est lors de la venue de Moe Tucker à L'Usine à Reims en 1992. L'entretien s'est très bien passé, mais une fois revenus au studio on s'est rendu compte que l'enregistrement était inexploitable car les piles du magnéto étaient à plat !
Pour Jonathan Perkins, objectivement tout s'est bien passé, mais j'ai rarement été aussi mal à l'aise. Ça me dérange déjà si je suis au téléphone et que quelqu'un d'autre est là dans la pièce qui peut m'entendre. Mais là, on s'est retrouvé à interviewer Jonathan Perkins dans une loge avec Dave Stewart affalé par terre à moins de deux mètres. Dave Stewart qui était à la fois une très grosse vedette, le patron sur la tournée de Jonathan Perkins (qui était présent à Reims en tant que membre des Spiritual Cowboys), l'un des producteurs de l'album de Perkins qui venait de sortir et aussi le patron de sa maison de disques ! Ça fait beaucoup et je me suis senti mal pour Perkins quand, au détour d'une des questions (impossible de me souvenir laquelle), Dave Stewart a dressé l'oreille, s'est relevé et rapproché et a fini par se mêler à la conversation. Ça s'est fait naturellement, en tant que passionné de musique qui se prend au jeu, et il est clair qu'il ne voulait pas voler la vedette à qui que ce soit, mais je me sentais gêné pour le gars Perkins car c'est bien avec lui que l'entretien était programmé. D'un autre côté, je me suis félicité que cet entretien a priori banal ait été suffisamment intéressant pour que Dave Stewart se pique d'y participer.

Jonathan Perkins a un parcours impressionnant. On le voit surtout mentionné dans les histoires du rock comme étant le premier clavier d'XTC. Il a rejoint le groupe en 1974 et les a quittés de son propre chef fin 1976, avant qu'ils aient sorti leur premier disque. Il leur a préféré un groupe nommé Stadium Dogs, qui avait de bonnes perspectives de signer avec un gros label. Je ne suis pas sûr qu'il ait fait le bon choix. On le voit avec XTC sur cette photo (à un moment où le groupe s'est très brièvement nommé The Snakes) et c'est lui qui est aux claviers pour cette version de Science friction filmée en avril 1976.
Jonathan Perkins a également été membre à part entière des Original Mirrors le temps que le groupe a duré, de 1979 à 1982. Je ne le savais pas au moment de l'interview car j'ai deux disques d'eux et le nom des membres du groupe n’apparaît ni sur le premier album, ni au verso du pressage français du premier 45 tours Could this be heaven ?, contrairement à l'édition originale anglaise.

Jonathan Perkins rejoint la bande d'Anxious en 1989. Outre les Spiritual Cowboys, il va participer à plein de projets associés au label, comme Shakespear's Sister, JC-001, Terry Hall & Dave Stewart, Siobhan Fahey.
En 1989, il sort son premier album sous le nom de The Flame, qu'il co-produit avec Manu Guiot. Je pense que cet album est passé complètement inaperçu.
En 1990, un nouvel album sort, Snake talk. Cette fois-ci, il est crédité à Jonathan Perkins and the Flame. On y retrouve huit des titres de l'album The flame de 1989, et je suppose que ce sont exactement les mêmes enregistrements. Parmi les quatre nouveaux titres, les deux qui seront extraits en single, I can't say no et A little hate (makes love much better) sont produits par Dave Stewart.

J'aime bien A little hate (makes love much better). S'il y a un point de référence qui me vient à l'esprit, c'est l'Iggy Pop en solo avec Bowie de 1977. En plus sage. Le remix de 7 minutes par BBG est sans intérêt.
Jonathan Perkins a réédité une version "complète" de 21 titres des sessions de Snake talk et je me suis initialement étonné qu'on n'y trouve pas les deux faces B hors album de ce single. C'est parce que Perkins les associe à un autre projet, Anxious High, dont il a publié Alumni. Grosso modo, il s'agit de la bande d'Anxious, dont Chris Sheehan de The Starlings, qui se réunissait, souvent la nuit, pour enregistrer des chansons, des démos, des ébauches. Parmi celles-ci, The hangman, avec Martin Chambers des Pretenders à la batterie, est dans la veine d'A little hate, avec un chant sur les couplets qui est sur le même rythme. Pour When Christina sleeps, on ressent le côté démo, tout ne semble pas en place. On n'est pas très loin des Stranglers époque La féline.

Juste après The Flame, Jonathan Perkins a notamment monté le groupe Miss World (un album en 1992) et il a participé à de nombreux autres projets depuis. De mon côté, comme je le disais, je ne pratique plus l'art de l'interview. Ça m'évitera de me retrouver involontairement à interroger une grande vedette !