30 septembre 2007

GABILOU : Fiu te ohipa


Acquis sur le vide-grenier de Val-de-Vesle le 16 septembre 2007
Réf : 3004 -- Edité par Tamure à Tahiti probablement dans les années 1970
Support : 33 tours 30 cm
12 titres

Pendant tout le vide-grenier, je n'avais pas trouvé un seul vinyl qui m'intéressait et, dans le dernier bout de rue qui faisait une petite cinquantaine de mètres, j'ai fait affaire à trois stands différents !
Au premier, c'était pour acheter ce disque. La dame qui le tenait avait l'air d'avoir décidé très fermement de vendre ses albums 2 €, mais de toute façon ce disque en état neuf vieux d'une trentaine d'années, venu tout droit de Tahiti qui plus est, les valait largement.
La pochette très réussie m'a accroché l'oeil tout de suite et j'ai vitre repéré le logo Manuiti. Un instant, j'ai même cru qu'il s'agissait d'un disque intitulé Gabilou crédité au célèbre compositeur et arrangeur Yves Roche, dont le nom est écrit en assez gros au recto. Mais un coup d'oeil aux notes de pochette au verso m'a tout de suite détrompé : Gabilou est un chanteur tahitien très connu, dont je n'avais jamais entendu parler, avec une carrière longue comme le bras démarrée dans les années 1960, qui l'a conduit à faire le tour de la terre et même à représenter la France au concours de l'Eurovision de 1981 ! La chanson concernée, Humanahum, est loin d'être le sommet artistique de sa carrière, mais elle a dû contribuer à populariser son nom en france métropolitaine...
Quant au titre de l'album, il est bien présent au recto de la pochette, où il est même traduit en français et en anglais : Je n'ai pas envie de travailler ! D'où cette photo, qui aurait été parfaite si elle avait été prise sur la plage plutôt que dans le studio (mais on n'aurait pas aperçu la tête d'ampli Fender !).
En comparant les biographies de Gabilou disponibles en ligne et les indications des notes de pochette, plus divers détails techniques, je date cet enregistrement des années 1970, probablement vers le milieu de la décennie.
L'ensemble tahitien d'Yves Roche comprend, outre divers instruments typiques des musiques tahitiennes dont des percussions et du ukulélé, un piano, deux guitares et une basse électriques et une batterie, ce qui est je crois assez rare à dans les enregistrements tahitiens. Gabilou chante très bien techniquement, avec une voix très douce. Avec tous ces instruments, le disque réussit à ne pas sonner "variété" et Gabilou ne passe pas comme un crooner, sauf peut-être sur les deux titres chantés en français, Lisa et O Tahiti nui, où on peut penser à l'écoute à Georges Guétary, voire même à une vedette dont Gabilou est apparemment l'ami, Julio Iglesias.
Globalement, je préfère les enregistrements tahitiens de Gaston Guilbert ou d'Yves Roche de la fin des années cinquante, mais le morceau-titre de l'album, Fiu te ohipa, est quasiment de ce calibre, et j'aime aussi beaucoup le titre rapide Aue ! te nehenehe.
Gabilou a carrément droit à deux volumes en CD de la collection Tahiti Belle Epoque, le volume 5, Aue ! Tahiti e..., sous son nom (avec une version de Fiu te ohipa) et le volume 3 avec le groupe Barefoot Boys, dont il était membre avec notamment le guitariste Petiot. En 2005, un DVD des Barefoot Boys en concert a également été édité.

29 septembre 2007

EARCOM 2


Acquis au Virgin Megastore de Londres le 11 septembre 1981
Réf : Fast 9b -- Edité par Fast en Ecosse en 1979
Support : 45 tours 30 cm
6 titres

Puisque Joy Division est à la pointe de l'actualité ces jours-ci avec la mort de Tony Wilson et la sortie du film Control, il est temps de ressortir de nos étagères cette compilation du label Fast Product, achetée bien sûr parce qu'elle contient deux titres de Joy Division inédits par ailleurs à l'époque, mais dont j'ai toujours apprécié, en plus, la photo de pochette asssez frappante et très réussie à mon goût.
Ce disque, je l'ai laissé passer une première fois, en solde à 30 F. à La Clé de Sol de Reims, un jour que j'étais de passage dans la ville, mais mes finances de lycéens étaient des plus serrées ! Celle du jeune bachelier n'étaient guère meilleures, mais après un été de petits boulots, je ne l'ai pas laissé passer une nouvelle fois quand je suis retombé dessus lors de mon premier séjour à Londres, à juste 1,99 £.
Ce disque fait partie d'une série de trois compilations de jeunes groupes sorties par Fast quasiment en même temps. Le n° 1 était aussi un maxi, avec les Pratts notamment, la n° 3 était un double 45 t avec D.A.F. entre autres, mais bien sûr c'est Earcom 2 qui est vite devenue très recherchée grâce au culte qui entoure Joy Division.
Mais ce qui compte, c'est que les trois groupes présents sur ce disque avec deux titres chacun ont tous leurs qualités et que l'ensemble forme une compilation d'un très bon niveau.
Thursdays ouvre et ferme le disque. Perfection est un titre qui sonne tout à fait de son époque, entre Gang of Four et les Delta 5.
Ils s'en sortent très bien avec leur reprise de (Sittin' on) The dock of the bay alors que c'est un choix plutôt casse-gueule pour un groupe new wave. Le chant et la guitare aigrelette passent très bien sur les couplets, il n'y a guère que les refrains un peu énervés que je trouve ratés. C'est quand même avec cette version que j'ai appris à aimer le classique d'Otis Redding !
A ma connaissance, ce groupe, probablement écossais, n'a jamais rien sorti d'autre.
Basczax est la très bonne surprise de ce disque. Celluloid love, leur premier titre, est de la bonne pop new wave, avec une petite ligne de clavier très accrocheuse.
Karleearn photography
est encore meilleur. C'est d'ailleurs le titre de ce disque que j'ai le plus souvent joué. La chanson tient avec une rythmique synthétique, jouée au synthé ou avec un séquenceur primitif, mais tout le reste est bon aussi, le chant, les couplets, le refrain et même le solo de saxo passent bien. Seul défaut de ce titre, il est un peu trop long.
Basczax a sorti un single par ailleurs, Madison fallout, et par la suite deux de ses membres ont formé les Flaming Mussolinis, auteurs de cinq singles et deux albums parus chez CBS dans les années 80.
Les deux titres de Joy Division ont été enregistrés en avril 1979 pendant les sessions d'Unknown pleasures. Auto-suggestion est un titre lent et long. Quand il se met à accélérer un peu sur la fin, Ian Curtis et le groupe se mettent étonnamment à sonner comme Jim Morrison et les Doors.
From safety to where... ? est plus du niveau d'Unknown pleasures. On peut penser que cette chanson a été écartée de l'album simplement pour éviter tout effet de redondance avec des titres comme Shadowplay ou Wilderness.
Ces deux chansons ont été rééditées sur la compilation Substance en 1988 et dans le coffret Heart & soul en 1997, et je ne vous apprendrai rien si je vous dis que Joy Division s'est pendu en mai 1980 et a ressuscité en 1981 sous le nom de New Order.

23 septembre 2007

FELT : Rain of crystal spires


Offert par Creation Records à Londres à l'automne 1986
Réf : CRE 032T -- Edité par Creation en Angleterre en octobre 1986
Support : 45 tours 30 cm
Titres : Rain of crystal spires -- Gather up your wings and fly -/- I will die with my head in flames -- Sandman's on the rise again

Plus on a de bonnes choses, plus on est difficile...
J'ai toujours été un peu déçu par ce disque. Déjà, je ne trouve pas la pochette très réussie. Lawrence, avec sa tête baissée, a l'air suffisamment morne, mais la maquette, réalisée comme la plupart des pochettes de Felt par Lawrence sous l'intitulé Shangai Packaging Company, est bof bof.
C'est rarement arrivé pour Felt (les deux autres cas sont Mexican bandits et Primitive painters), mais la face A de ce single est directement extraite d'un album, Forever breathes the lonely word, sorti quasiment en même temps . Gather up your wings and fly vient aussi de l'album et, si ces deux chansons sont plutôt très bonnes, aucune des deux n'a le charme ou les qualités d'une vraie face A de single pop. Je ne pense d'ailleurs pas que Forever breathes the lonely word ait contenu un seul titre répondant à ces critères, ce qui ne dévalorise pas pour autant ce grand disque.
Ce qui est plus rageant, c'est que deux chansons comme I will die with my head in flames et Sandman's on the rise again aient été reléguées en face B de ce disque. Je pense vraiment que leur place était, soit sur l'album (elles ont été enregistrées pendant les mêmes sessions, avec la même formation et le même producteur), soit sur un single sorti indépendamment, comme pour Ballad of the band quelques mois plus tôt, même si ça en aurait fait un des disques les plus courts de l'histoire récente, à 3'20" pour le total des deux faces !
Car ces deux chansons sont courtes, et sur un tempo relativement très rapide pour Felt. peut-être d'ailleurs que le groupe les considérait comme pas tout à fait finies : si Gather up your wings and fly s'était arrêtée au bout d'une minute trente, avant les solos d'orgue et de guitare et la répétition du refrain, elle leur aurait beaucoup ressemblé en terme de construction.
I will die with my head in flames a tous les bons ingrédients de l'album : le duel orgue/guitares, les choeurs et surtout les paroles et le chant de Lawrence : "You can keep all your false hopes and I will die with my head in flames. And your face tells me there's something going wrong today, there's something going wrong today."
Sandman's on the rise again a ceci de bizarre qu'elle ralentit au moment du très court refrain, pendant lequel on entend des arpèges de guitare qui rappellent les tous débuts de Felt, puis ça repart de plus belle avec un solo de guitare accompagné de percussions, qui là font penser à Mexican bandits accéléré de 45 à 90 ou 135 tours !

Plus on a de bonnes choses, plus c'est difficile de choisir...
Le 23 avril 1987, avec Philippe R., nous sommes arrivés à Londres pour quelques jours de vacances au cours desquels nous avons notamment enregistré ma reprise de Chernobyl baby.
J'avais repéré de longue date dans le NME un concert de Julian Cope pour ce ce soir-là et les amis de Creation avaient eu l'amabilité de nous faire inscrire sur la guest list.
En arrivant au bureau de Creation, situé au 83 Clerkenwell Rd à l'époque, on nous a refilé le tract ci-dessus, reprenant la photo de pochette de Rain of crystal spires, qui annonçait un concert secret de Felt sous le nom des Scarlet Servants (un des titres de l'album Ignite the seven cannons) pour le soir même, avec Momus en première partie !
Le secret était assez transparent, mais Felt voulait sûrement amortir son déplacement à Londres et ils n'étaient sûrement pas autorisés à jouer un concert officiel en ville la veille même d'un autre concert en tête d'affiche au King's College avec les Wishing Stones et House of Love en première partie.
A l'époque, je n'avais encore jamais vu Momus en concert, mais Julian Cope non plus. Comme bien sûr nous étions invités au concert du lendemain, le choix fut vite fait entre deux bonnes choses : nous irions au concert de Julian Cope le 23 et au concert officiel de Felt le lendemain 24, en espérant éventuellement repasser au Black Horse, situé tout près du lieu du concert de Cope, si celui-ci finissait assez tôt (on n'en a jamais eu le temps).
Aujourd'hui, je regrette un peu ce choix. Certes, c'est l'unique fois où j'ai vu Julian Cope en concert, avec les Faith Brothers en première partie, mais c'était Julian Cope dans sa période Island/St Julian et il a fait un concert très pro et très propre, mémorable surtout pour ses acrobaties sur son pied de micro customisé (une idée reprise à Howard Devoto de Magazine, je crois) et une très bonne et très longue interprétation de Reynard the fox. Et surtout, je regrette de ne pas avoir vu ce concert de Felt, non pardon des Scarlet Servants, et de Momus, dans un tout petit pub, à Londres avec toute la bande de Creation dans le public.

22 septembre 2007

LAVENDER DIAMOND : The cavalry of light


Offert par Philippe D. par correspondance en septembre 2007
Réf : RTRADCD365 -- Edité par Rough Trade en Europe en 2006
Support : CD 12 cm
Titres : You broke my heart -- Please -- In heaven there is no heat -- Rise in the springtime

J'ai extrait ce disque du lot que Philippe a eu la bonté de m'offrir, parce que c'était un vrai EP avec 4 titres différents, parce qu'il est édité par Rough Trade et parce que le digipack de couleur lavande pâle avait un look sympa avec ses dessins en noir et blanc.
J'avais sûrement aperçu le nom du groupe sur des listes de MP3, mais à part ça je ne connaissais strictement rien de lui quand j'ai mis le disque sur la platine.
Et là, un moment magique, qui dure quand même trois minutes trente-quatre secondes. Une intro avec des cordes discrètes et un piano qui accompagne tout le morceau, des percussions sympathiques avec batterie et cloche, une guitare sèche en accompagnement, des choeurs, une chanson toute simple, toute en boucle et en répétition, qui tient avant tout par le chant, une voix féminine qui commence par répéter huit fois de suite en haussant le ton qu'on lui a brisé le coeur. On sent que la chanteuse a du coffre et de la technique. Elle porte la chanson avec force, un peu comme Dolores O'Riordan dans le tube Cranberries, mais en plus maîtrisé, sans emporter tout en chemin. Une grande chanson, qui reste longtemps en tête après écoute, et d'autant plus que, malheureusement, contrairement à mon fol espoir, la magie s'interrompt avec le changement de piste.
Les trois autres titres du maxi sont quelconques, au mieux sympathiques, qu'ils soient lents ou un peu plus enjoués, les cordes sont parfois un peu trop présentes, la voix finit presque par agacer, un petit côté rétro transparait... Dommage.
Après coup, je me suis bien sûr renseigné sur Lavender Diamond, un groupe basé à Los Angeles réuni autour de la chanteuse Becky Stark, qui est effectivement une soprano formée à l'opéra. Sans exception, toutes les bios de Lavender Diamond, et en conséquence 95% des articles écrits sur eux, font référence aux grandes chanteuses folk des années 70, de Sandy Denny à Karen Dalton en passant par Joni Mitchell (si c'est une chanteuse folk...). Je ne suis absolument pas spécialiste du genre, et je n'ai pas été influencé car je n'avais pas lu les bios au préalable, mais franchement je n'entends absolument rien de rétro dans le premier titre de ce disque.
Après ce maxi, sorti à l'origine en 2005, Lavender Diamond a sorti son premier album cette année, Imagine our love, qui, de façon assez surprenante, n'inclut pas You broke my heart. Fin 2006 début 2007 ils ont tourné en Europe en première partie des Decemberists, jouant notamment en Allemagne et en France. Il ya deux jours, ils ouvraient pour les New Pornographers Hollywood, et You broke my heart était toujours, visiblement, le clou de leur concert.
Deux extraits de ce disque, dont You broke my heart, sont disponibles en téléchargement sur le site du groupe.

17 septembre 2007

THE CURE : The Cure


Acquis chez New Rose à Paris le 25 février 1982
Réf : pp 5250 -- Edité par Primary Production en France en 1981 ou 1982
Support : 33 tours 30 cm
11 titres

J'ai acheté peu de disques pirates au fil des années, celui-ci, un double-live de XTC de 1980 acquis au moment où il était clair que je n'aurais jamais l'occasion de les voir en concert puisqu'ils venaient d'arrêter les tournées, un autre d'Au-Pairs, édité légalement par la suite, et quelques cassettes de Peel sessions, dont une de Magazine.
The Cure, je n'ai pas eu l'occasion de les voir sur scène au moment où ça m'intéressait, c'est un peu pour ça que j'ai eu envie d'acheter ce live. Après être passé à la télé en extrait de concert fin 79, ils avaient bien joué pas trop loin de chez moi au printemps 1980, mais je n'avais aucune chance de pouvoir y aller. En juin 1980, notamment, il y a eu ce festival en Moselle, à Rettel, avec The Cure et The Clash à l'affiche, mais je ne suis pas sûr qu'il faille avoir des regrets : François B. y était allé et son principal souvenir c'est qu'il pleuvait comme vache qui pisse !
Contrairement à la majorité des pirates, ce disque a deux grandes qualités : une pochette imprimée sur carton retourné très réussie et un son très propre, provenant probablement de la table de mixage. Euh, non une grande qualité et demie seulement : le son est effectivement plutôt bon, sans souffle, mais pour une raison ou une autre la bande a dû tourner trop lentement. Musicalement, ça pourrait presque passer, mais la voix de Robert Smith se retrouve sourde, basse, nasale, à tel point qu'on a l'impression par moments qu'il chante avec le nez bouché et une écharpe devant la bouche.
Evidemment, il n'y a aucune précision sur la date et le lieu d'enregistrement du concert, mais le début de la face B nous donne un indice crucial, puisque Robert Smith dédie une chanson à Simon Gallup en annonçant qu'il va avoir vingt ans dans une demie-heure. Gallup étant né le 1er juin 1960, cela situe le concert le 31 mai 1980, c'est à dire à la Scala d'Herford an Allemagne, selon les discographies pirates de Cure dont celle-ci ou celle-là.
Cette chanson dédiée à Simon et intitulée Happy birthday est d'ailleurs le principal intérêt de ce disque. Loin d'être une pochade où tout le monde chanterait en choeur "Joyeux anniversaire", c'est une vraie bonne chanson, basée sur la même progression d'accord que Three, sur l'album Seventeen seconds qui venait de sortir, avec des paroles pas gaies sur le temps qui passe. Wikipedia nous apprend que, sous le titre Forever, Smith a pris par la suite l'habitude d'improviser des paroles sur cette musique.
L'autre intérêt de ce disque, qui se concentre principalement sur les quatre (4 !) rappels joués ce soir-là, c'est de proposer des versions de titres de Three imaginary boys et des premiers singles interprétées par la formation qui a enregistré Seventeen seconds, avec Simon Gallup à la basse, donc, et Matthieu Hartley aux claviers.
Apparemment, deux titres ont été enregistrés à une autre occasion, une version de I'm cold et une petite curiosité, une reprise de Do you wanna touch me ? (Oh yeah) de Gary Glitter qui permet à Cure de rendre hommage à l'une des idoles de sa jeunesse.



PS : Le disque saute à un moment pendant A forest. Après une enquête rapide, comme je viens de remarquer un petit trou dans la pochette qui tombe pile à l'endroit incriminé du disque, je peux affirmer que le responsable de ce dommage est de la race féline !

16 septembre 2007

DAVE BARTHOLOMEW'S NEW ORLEANS JAZZ BAND


Acquis sur le vide-grenier d'Athis le 9 septembre 2007
Réf : LP-1201 -- Edité par Broadmoor aux Etats-Unis en 1981
Support : 33 tours 30 cm
10 titres

C'est clair que, jusqu'à il y a peu, je n'aurais pas acheté ce disque. A la rigueur, je me serais fait la remarque que ce type était peut-être celui qui a produit et co-écrit des chansons avec Fats Domino (c'est bien le cas), puis je serais passé au disque suivant. Pourtant, j'ai toujours bien aimé le Dixieland, c'est l'une des raisons pour lesquelles j'aime beaucoup le After the ball de John Fahey ou le The real thing de Taj Mahal.
Et puis, au fil du temps, après certaines formes de blues, je m'intéresse de plus en plus à la country et à d'autres musiques populaires américaines. En plus, en ce dimanche doux, un professionnel de la vente de disques, aimable pour une fois, encore en train de s'installer à neuf heures du matin, avait eu la bonne idée de commencer par mettre une grosse caisse de 33 tours à 1 € sous ses tables.
J'ai allégé sa caisse de trois disques, le premier album de Fumble, un disque de rock rétro sorti en 1972, l'unique album d'Action Now, sorti en 1984 chez Lolita en France et réédité récemment en CD, et cet album de Dave Bartholomew.
Le carton de pochette de cet album est tellement épais, comme souvent pour les disques américains, que j'ai pensé un instant que ce disque était du début des années 70 ou de la fin des années 60, mais le 33 tours lui-même, en état neuf, est tout léger et tout souple, comme beaucoup de galettes des années 80.
Avec des versions de Blueberry hill, Ain't that a shame, I'm walkin' et Let the four winds blow, quatre hits de Fats Domino, plus When the saints go marchin' in, il n'était plus question pour moi en 2007 de laisser passer ce disque à ce prix là, et j'ai bien fait car il me plaît beaucoup !
Je m'attendais à un disque instrumental, mais ce n'est pas le cas. Dave Bartholomew, qui est avant tout trompettiste, arrangeur et chef d'orchestre, chante une petite moitié des titres, modestement, sans prétendre avoir le coffre ou la technique qu'il n'a probablement pas, et ça ne fait que rendre le disque plus sympathique.
La meilleure chanson est celle qui ouvre le disque, Preservation Hall song, en hommage à une célèbre salle de concerts de la Nouvelle Orléans, le Preservation Hall, qui a également généré un orchestre qui parcourt le monde depuis des années. Selon les notes de pochette, c'est d'ailleurs le fondateur du Preservation Hall, M. Jaffe, qui a inspiré ce disque à Bartholomew en lui suggérant de réarranger certains de ses vieux tubes à la sauce jazz traditionnel. L'atmosphère de la chanson est très chaleureuse et détendue, un peu comme sur un disque de Jonathan Richman & the modern Lovers des années 70 ("Allez on va tous au Preservation Hall, il faut arriver tôt si on veut avoir une table au Preservation Hall, l'orchestre Dixieland garde toujours le rythme au Preservation Hall...Prenez un joueur de trombone, un clarinettiste et un batteur, mettez-les tous ensemble et vous avez un bon groupe !"), et je suppose qu'elle doit être jouée en ouverture tous les soirs à La Nouvelle Orléans pendant que les convives s'attablent au Preservation Hall.
Mon autre titre préféré, avec la version chantée de Ain't that a shame, c'est la version instrumentale de Blueberry Hill qui entame la face B. La finesse des arrangements et du jeu est impressionnante, mais elle ne doit pas surprendre si on considère la pointure de la section rythmique (Frank Fields à la basse et Frank Parker à la batterie, qui accompagnaient déjà tous les deux Fats Domino dans les années 50) et des autres musiciens crédités, Waldren Joseph au trombone, Willie Humphrey à la clarinette et Justin Adams à la guitare. La plupart de ces musiciens sont aujourd'hui décédés, mais je me réjouis que nous comptions encore aujourd'hui parmi nos contemporains des figures déjà historiques comme Dave Bartholomew et Fats Domino, mais aussi Bo Diddley, Chuck Berry et Little Richard.
Je ne pensais pas que ce disque était particulèrement rare, car j'y ai trouvé assez vite des références sur le net mais, c'est toujours un signe, je n'ai pas trouvé de reproduction de la pochette et l'album ne figure pas dans la discographie de Bartholomew sur All Music.
En fait, il s'avère que Broadmoor était le label indépendant de Dave Bartholomew, qui tire son nom du quartier de La Nouvelle Orléans dont il est originaire et qui a existé, peut-être de façon intermittente, depuis au moins 1968. Il est donc possible que ce disque ait connu une distribution assez limitée.
Assez tristement, la seule photo de ce disque que j'ai trouvée (ci-dessous), sert à illustrer de façon assez théâtrale les dégâts du cyclone Katrina dans le quartier de Broadmoor en 2005.
Photo by Infrogmation
Photo : Infrogmation

11 septembre 2007

TELEPHONE, STARSHOOTER : French rock


Offert par Coca-Cola par correspondance en 1979
Réf : COC 1 -- Edité par Pathé Marconi-EMI en France en 1979 -- Echantillon hors commerce
Support : 45 tours 17 cm
Titres : TELEPHONE : Hygiaphone -/- STARSHOOTER : Betsy party

Des légendes urbaines, j'ai activement cru à au moins deux d'entre elles vers le milieu des années 1970, et ce n'est évidemment pas un hasard si elles étaient toutes les deux en lien avec une certaine forme d'appât du gain. La première c'était celle des points dans les angles des paquets de Marlboro : en démontant le paquet, on trouvait dans un des angles un nombre qui changeait d'un paquet à l'autre. Selon la légende, si on avait un certain nombre de points, on pouvait les envoyer à Marlboro et on gagnait un lot. Même chose avec les tablettes de chewing-gum Hollywood : il fallait garder le bout de papier en couleurs qui les emballait, et quand on en avait 1000 on pouvait les envoyer à Kréma pour aussi recevoir un beau lot.
J'ai emmerdé pas mal de gens à leur démonter leur paquet de Marlboro pour récupérer les points, mais le coup des chewing-gum j'y croyais encore plus car au moins j'en consommais, et puis ça me semblait plus proche et plus crédible car il y avait à Reims au bord de la nationale une usine Kréma que je remarquais à chaque fois que je passais devant (on ne pouvait pas la rater vu qu'elle affichait en grand l'heure sur son toit).
Evidemment, quand on en parlait entre nous il y avait toujours quelqu'un qui connaissait quelqu'un qui connaissait quelqu'un qui avait réuni assez de points ou d'emballages et qui avait reçu un super cadeau... que personne présent n'avait jamais vu !
Mais ce disque Coca-Cola, ce n'est pas grâce à une légende urbaine que je l'ai gagné, mais grâce à une toute bête opération promotionnelle, organisée dans le plus pur style de ce qui faisait fureur dans les années 1960. Pendant un certain temps, il y avait des points-musique à collecter sous la forme de rondelles de plastique imprimées glissées à l'intérieur des bouchons à vis et des capsules de bouteilles de Coca. Une bouteille en verre consignée de 2 l rapportait plus de points qu'une cannette.
On ne buvait pas du Coca tous les jours à la maison. C'était plutôt réservé aux week-ends et aux jours de fêtes. Mais, pendant quelques temps, nous avons récupéré avec mon frère et ma sœur tous les points-musique qu'on pouvait trouver, chez les grands-parents, chez les copains et à l'occasion des mariages et autres fêtes de famille.
Au bout du compte, nous avons réuni assez de points pour commander deux des 45 tours en vinyl couleur proposés comme lot. Nous avons laissé de côté les 45 tours de disco et de blues et commandé ceux de rock français et de reggae.
Mon frère n'aimait pas spécialement le reggae, mais il s'est retrouvé avec le 45 tours reggae en vinyl jaune avec Bob Marley sur une face et Jimmy Cliff sur l'autre, peut-être tout simplement parce que, moi, je voulais absolument le 45 tours de rock français, vu que j'aimais beaucoup et Hygiaphone et Betsy Party, mais il se trouvait que je n'avais aucun de ces deux disques. Comme il n'y avait que deux 45 tours pour trois, c'est bien sûr la petite sœur qui n'a rien eu…
Toujours comme dans les années 1960, le dos de la pochette propose, en plus de la partition d'un hymne à la gloire de Coca-Cola, un texte de présentation des deux groupes :
Avec STARSHOOTER, TELEPHONE et quelques autres, la NEW-WAVE du rock français annonce la couleur de la jeune génération : gaie, rapide, incisive et plus que décontractée.
Le vaste succès remporté par ces deux groupes indique, de façon certaine, la réconciliation du Rock avec la Variété, après une longue traversée du désert qui fit plus d'un nostalgique.

Les deux groupes n'ont probablement pas eu leur mot à dire sur l'accord de licence qui a permis à Coca d'éditer ce disque et encore moins sur ce texte qui, sous prétexte de bonnes ventes, les met dans le même panier que la variété française.
Ce qui est sûr c'est que, avec Téléphone et Starshooter, on a eu en 1978 pour la première fois depuis longtemps deux jeunes groupes de rock qui ont eu un véritable succès populaire, Starshooter surtout avec son single Betsy party, Téléphone plutôt avec son premier album Anna.
Que par la suite ces deux groupes, ou leurs anciens membres dans leurs carrières solo, aient rejoint la grande famille de la variété française, c'est un fait, mais au moment de leurs premiers disques respectifs, on avait quand même bien l'impression d'une bouffée de fraicheur et de jeunesse qui déboulait sur le devant de la scène.
Les deux chansons ont plutôt bien vieilli, surtout Betsy party avec son rythme endiablé, son refrain accrocheur avec ses yé yé yé et la fougue de Kent qui emporte tout.
Si Hygiaphone souffre un tout petit peu de la comparaison, c'est surtout parce que, musicalement, la chanson cumule les repompages éhontés de plans piqués à Chuck Berry. Ça me gêne plus aujourd'hui qu'à l'époque, peut-être parce que je me suis régalé récemment avec une anthologie des grands succès de Berry, qui aurait quand même bien mérité d'être crédité en partie pour la composition d'Hygiaphone !
(J'ai mis une étiquette "concert" au message, mais ça aurait dû être une demie : j'ai bien assisté à un concert de Téléphone à Reims au printemps 1979, lors de la tournée Crache ton venin, mais je n'ai jamais vu Starshooter sur scène).

Ajout du 17 mai 2008 :
Ci-dessous, une pleine page de pub pour l'opération points-musique et disques couleur de Coca-Cola parue dans Best en avril 1979. Visiblement, c'est la moitié d'une double-page. J'ai conservé ce bout-là car on y trouve au dos une rare interview de Leroy Radcliffe qui s'exprime, juste après la sortie de Back in your life, sur son récent départ des Modern Lovers.

08 septembre 2007

CLINT EASTWOOD : Clint Eastwood


Acquis sur le vide-grenier des Petites-Loges le 2 septembre 2007
Réf : CA 67476 -- Edité par Amo en France en 1980
Support : 33 tours 30 cm
10 titres

C'était notre deuxième vide-grenier de la journée. familial, comme le premier, dans ce village coincé entre la nationale d'un côté, l'autoroute et maintenant la ligne TGV de l'autre, à quelques kilomètres de l'agitation des vendanges.
La dame avait une caisse avec une trentaine d'albums. A priori rien d'intéressant, mais je suis d'abord tombé sur un premier disque de ce qui est visiblement une collection intitulée Reggae sun éditée par Amo Records et distribuée par Carrere. C'était un disque de Jackie Edwards, avec une pochette encore plus horrible que celle-ci (si c'est possible), genre une version simplifiée et ensoleillée à l'aérographe de la pochette d'Autobahn de Kraftwerk. Jackie Edwards, ce nom me disait vaguement quelque chose, mais j'ai laissé passer ce disque.
Je ne suis revenu en arrière que quand je suis tombé quelques disques plus tard sur cet album de la même collection et que la dame m'a dit qu'elle vendait ses disques à 1 € pièce. J'ai donc pris les deux. D'après les numéros de catalogue, il y a d'autres disques dans la série, tous avec des pochettes du même tonneau, dont un Cornell Campbell et un Ishan People.
Clint Eastwood est un DJ jamaïcain. Je crois qu'il a eu son plus grand succès un peu plus tard quand il a commencé à enregistrer et à se produire avec General Saint. Je n'ai pas trouvé de trace d'une édition jamaïcaine ou anglaise de ce disque, mais je ne doute pas qu'il y en ait une (Le Jackie Edwards était sorti précédemment sous le titre 20 greatest hits).
L'album n'est pas mauvais du tout, meilleur que ce à quoi je m'attendais (et bien meilleur en tout cas que le Jackie Edwards, composé majoritairement de ballades trop molles pour moi).
Ça commence très bien avec un talk-over sur une version du Jamaica girl de Harry Belafonte.
L'autre meilleur moment du disque, ce sont les deux derniers titres, Selesiag et Roots man, et comme ils sont interprétés en duo, on est en droit de se demander si ce n'est pas avec General Saint.
Si j'en crois le site Justmusicstore, un de ces sites louches de téléchargement légal (légal selon la loi russe, en tout cas), il est possible que ce disque ait été réédité en 2003. En tout cas, l'intérêt du site c'est qu'on peut y écouter des extraits assez longs (bien plus de trente secondes) de chacun des titres de ce disque.
Ça m'intéressait vivement d'intégrer un premier disque de Clint Eastwood à ma collection car ça me donne l'occasion de parler du concert de Clint Eastwood et General Saint auquel j'ai assisté le 21 juin 1982 à Londres. J'y ai assisté, c'est sûr : je l'ai noté dans mon agenda à la date de ce jour, et j'ai toujours le billet d'entrée (ci-dessous). Seul hic, et de taille : je n'ai plus aucun, mais absolument plus aucun souvenir de ce concert. Par exemple, il a fallu que je consulte Wikipedia pour apprendre que The Venue, où a eu lieu ce concert, était un ancien cinéma du quartier de la gare de Victoria, aujourd'hui détruit.
C'était mon deuxième séjour à Londres, et j'ai des souvenirs des trois autres concerts auxquels je suis allé pendant cette petite semaine : Les Flying Padovanis avec Midnight Oïl en première partie au Zig Zag Club ; les Dolly Mixture au Marquee, avec Captain Sensible qui était à mes côtés dans le public et qui a sauté sur scène au rappel pour interpréter son tube n° 1 au hit-parade Happy talk ; et enfin la soirée française au Hammersmith Clarendon, la première fois où je suis allé dans cet endroit, avec Lol Coxhill comme compère de la soirée.
J'ai des souvenirs de tout ça, mais du concert de Clint Eastwood and General Saint, aucun ! Peut-être tout simplement parce que mes neurones n'ont conservé que des souvenirs de mon retour du concert...
Il faisait beau et chaud ce soir-là. Comme je n'avais pas vraiment les moyens de me payer le métro, je suis reparti à pied de Victoria Street vers Kensington Church Street, où je logeais. Une marche assez longue, pas facilitée par le fait que le dessus d'une de mes clarks, fatigué par ce séjour, a décidé de se désolidariser de sa semelle pendant le trajet, que j'ai donc fait avec une chaussure qui baillait à chaque pas !
A un moment, je me suis retrouvé à traverser un grand rond-point, avec une animation un peu particulière pour un lundi, même pour Londres. Des voitures faisaient le tour de la place en klaxonnant et ça criait un peu. D'un côté de la place se trouvait une grande maison de maître entourée de grilles, un de ces grands bâtiments de style classique comme on en voit beaucoup à Londres. En passant, j'ai vu que des gens s'arrêtaient pour lire un écriteau posé sur les grilles. Je me suis approché et j'ai lu un communiqué d'un haut personnage de la Cour d'Angleterre qui annonçait de manière assez emberlificotée que la Princesse de Galles avait mis au monde un garçon.
C'est comme ça que j'ai appris, primo que s'il y avait de l'animation ce soir-là ce n'était pas parce que l'Angleterre venait de gagner un match du mondial de foot, secundo que la maison de maître devant laquelle je me trouvais était tout simplement Buckingham Palace, et enfin que le Prince William venait de naître !!

07 septembre 2007

MAGAZINE : Real life


Acquis à La Clé de Sol à Châlons-sur-Marne probablement fin 1978
Réf : 2933 748 -- Edité par Virgin en France en 1978
Support : 33 tours 30 cm
9 titres

Je croyais me souvenir que je m'étais intéressé à Magazine après avoir lu une chronique très élogieuse de Real life fin 1978 et que c'était ensuite que je les avais vus en live à la télé dans l'émission Chorus d'Antoine de Caunes.
Mais l'excellent site non-officiel consacré à Magazine Shot By Both Sides indique que c'est dès le 23 septembre 1978 que Magazine s'est produit au Théâtre de l'Empire à Paris, là où étaient enregistrés les concerts de Chorus (et aussi L'école des fans de Jacques Martin, je crois bien).
Ce qui veut dire que j'aurais d'abord été scotché par les trois titres live du groupe diffusés par Antenne 2 (Mes souvenirs sont plus que flous, mais il me semble qu'il s'agissait de My tulpa, Parade et Give me everything ; en tout cas, Devoto portait une petite veste rouge comme celle qu'il a sur l'une des photos de cette page) avant de lire les chroniques et de me décider à acheter leur premier album.
Ce qui est sûr, c'est que j'ai acheté Real life soit à l'automne 1978 soit au tout début de l'hiver 78-79. Je l'ai ramené dans la chambre que j'avais depuis peu sous les combles de la maison de mes grands-parents et, au cours de la soirée, je l'ai écouté sept fois dans son intégralité face A, face B, face A, etc. C'est la seule fois où ça m'est arrivé. C'est dire si ce disque m'a accroché et s'il s'est rapidement gravé dans mes neurones.
Le disque est produit par John Leckie, qui, avec son travail pour XTC, Simple Minds, The Human League est vite devenu pour moi un producteur fétiche à l'époque.
Je crois que cet album est unanimement reconnu comme l'un des indispensables de la new wave (pas seulement par moi). Je préciserais même que c'est sûrement l'un des tous premiers albums post-punk au sens littéral du terme : nombreux sont ceux qui faisaient de la new wave avant 1978 (Brian Eno, Ultravox !, Talking Heads, Devo, XTC), mais Howard Devoto est l'un des premiers à être passé, dès 1977, du punk (les Buzzcocks) à cette musique différente, plus variée, avec souvent des synthés. Magazine fait même encore plus fort puisqu'on trouve sur cet album des sons que certains auraient pu considérer comme sacrilèges à l'époque ; des solos de guitare héros et même de saxophone ! (tous dus à John Mc Geoch). La présence du saxo explique sûrement en partie la comparaison souvent faite de Magazine avec Roxy Music. Je n'ai jamais réussi à écouter Roxy suffisamment longtemps pour me faire un avis sur cette comparaison, mais ce qui est sûr, c'est que, au-delà de l'implantation capillaire des deux gars, il y a une filiation certaine entre le Brian Eno des albums solo chantés des années 70 et Howard Devoto. Je n'ai d'ailleurs pas du tout été surpris d'apprendre, dans mes lectures de préparation de ce billet, que Devoto et Shelley avaient repris du Eno de la meilleure époque (The true wheel, sur Taking tiger mountain (by strategy)) lors du tout premier concert du groupe qui allait devenir les Buzzcocks.
La légende veut que les membres de Magazine aient été recrutés par petite annonce. Même s'ils s'y sont repris à deux fois pour trouver un clavier virtuose (Dave Formula), Magazine a quand même réuni une sacrée brochette de musiciens avec John Mc Geoch, Barry Adamson à la basse et Martin Jackson, un batteur qui n'est resté que le temps de cet album, mais qui n'était pas manchot du tout (il est réapparu dans les années 80 avec Swing out Sister).
Le titre d'ouverture du disque, Definitive gaze, sert d'ailleurs un peu de présentation des différents musiciens : il démarre par plus d'une minute d'instrumental en plusieurs phases, avant que la vedette Howard Devoto entre en scène pour chanson en deux couplets sans refrain, qui cite le titre de l'album : "So this is real life, you're telling me, and everything is where it ought to be".
L'enchaînement est parfait avec My tulpa. La basse élastique de Barry Adamson fait merveille et les synthés sont encore très en avant sur cette chanson. J'ai appris à connaître les paroles de ces chansons à l'oreille. En effet, elles n'étaient pas fournies avec le disque et il m'a fallu attendre la parution du recueil It only looks as if it hurts pour pouvoir les déchiffrer complètement. De toute façon, ces paroles sont d'une telle qualité littéraire qu'il ne suffit pas de les voir imprimées pour dévoiler tout leur mystère. Pour ma part, je me surprends encore souvent à l'écoute de ce disque à chanter les paroles "en yaourt", telles que je les chantais dans la chambre du grenier. C'est le cas notamment pour My tulpa (un tulpa, je ne l'ai appris qu'aujourd'hui, c'est dans la mystique tibétaine un objet créé par la pensée). Quand Devoto chante "I wanna see you, don't you wanna see me ?" ça va, mais la phrase qui suit, je ne la déchiffre toujours qu'en lisant les paroles. Quant à la suite, "You can touch yourself anytime" ("Tu peux te toucher quand ça te chante") avec la deuxième voix qui dit "In isolation", je ne suis pas sûr que je l'aurais chantée aussi souvent à haute voix si j'en avais compris le sens !
Le troisième titre, Shot by both sides, permet enfin à John Mc Geoch de mettre sa guitare largement en valeur. C'est dans ce titre, un des classiques du groupe, sorti quelques mois plus tôt dans une première version en face A du premier 45 tours, qu'il place un solo superbe de 25 secondes, en plus du riff principal écrit par Pete Shelley à l'époque des Buzzcocks.
Recoil est un titre rapide, presque punk, avec des roulements de batterie marqués, mais il a quand même un petit quelque chose de spécial avec des breaks où Devoto dit "Hop" et "On" il me semble.
Burst, qui clôt la face A, est la première chanson relativement lente du disque. Elle se termine sur une sorte de mantra, "Keep your silence to yourself, you will forget yourself".
Motorcade démarre la face B sur le même rythme, mais se met à accélerer follement au bout de deux minutes, peut-être pour reproduire le rythme du cortège officiel auquel il est fait allusion (Là encore, j'ai longtemps été conduit à croire qu'une motorcade était une limousine, car j'avais vu ce mot utilisé dans un récit de l'assassinat de Kennedy…).
J'adore tout le disque, mais la chanson The great beautician in the sky m'a toujours particulièrement plu, peut-être parce qu'elle débute sur un rythme de valse et avec un son qui rappellent un manège de fête foraine, avant là aussi de changer complètement de rythme et de mélodie au milieu.
The light pours out of me, avec son rythme martial et sa basse lourde, est devenu au fil de leur courte carrière l'un des titres phares de Magazine. Ils en ont sorti une nouvelle version en face B du 45 tours Upside down en 1980, l'un de leurs disques qui ont eu le plus de succès. L'album live Play sorti en 1980 est loin d'être renversant, mais je vous conseille quand même de jeter une oreille sur la version de The light pours out of me : musicalement, elle est très proche de la version studio, mais Devoto chante plusieurs des vers en français !
Le disque se clôt magistralement avec Parade. Je viens seulement de remarquer aujourd'hui que c'est une boite à rythmes qui accompagne le piano en intro de cette ballade presque lounge à la mélodie jouée au synthé et au solo de saxo bien bien dégoulinant. Devoto s'amuse comme un petit fou, notamment sur le refrain, "Sometimes I forget that we're supposed to be in love, sometimes I forget my position" ("Parfois j'oublie que nous sommes censés être amoureux, parfois j'oublie ma position"). En concert, il ajoutait même, malicieusement et mystérieusement, une phrase du style "And my position is somewhere between the waitress and a table, but the service is very very good" ("Et ma position est quelque part entre la serveuse et une table, mais le service est très très bon").

Real life est un classique reconnu, actuellement disponible heureusement (il a été réédité ce printemps, comme tous les albums du groupe, en version remasterisée avec les quatre titres des deux premiers singles en bonus). Pourtant, il a fallu que je sorte mon appareil photo pour vous proposer une image de la pochette complète (pas parfaite, car trop blanche sur le côté gauche), car je n'ai trouvé en ligne que des reproductions des pochettes des CDs, qui tronquent honteusement la superbe illustration de pochette de Linder, qui a fait beaucoup pour le mystère du disque, comme les photos des cinq musiciens au dos, avec Barry Adamson très smart, John McGeoch un verre de whisky à la main et Martin Jackson avec ses cheveux teints en blond plus que flashant. Quant à Dave Formula, j'ai fini une paire de décennies plus tard par avoir la même implantation de cheveux que lui !
L'illustration de pochette, je l'aimais tellement que je l'avais choisie pour qu'Eric L. me la reproduise sur un t-shirt pendant l'année 79/80, au moment où il s'était lancé dans la peinture sur tissu. J'ai toujours les deux t-shirts qu'il m'avait dessinés (l'autre c'est un dessin d'Elvis Costello en noir et blanc avec le slogan "Elvis is king"), mais je crains qu'ils ne soient plus à ma taille !


Ajout du 17 mars 2012

Magazine, Definitive gaze, en 1978 dans l'émission The Old Grey Whistle Test. Malheureusement, ils ont zappé l'intro.