03 janvier 2010

LEWIS FUREY : The humours of


Acquis dans une FNAC à Paris en novembre 1977
Réf : 985 064 -- Edité par A & M en France en 1976
Support : 33 tours 30 cm
13 titres

J'ai eu l'occasion de raconter, dans Vivonzeureux!, comment je suis tombé sous le charme de Lewis Furey. Une émission de télé un mercredi après-midi à l'automne 1977, un gars sympathique, à la voix et l'accent qui me plaisent. Une panne de micro qui l'oblige à interrompre quelques instants son interprétation. J'étais accroché.
Peu de temps plus tard, j'ai eu l'occasion d'aller avec ma maman à Paris. Le but principal du voyage était d'acheter des tissus au marché Saint Pierre (Pour faire des rideaux je pense. je crois qu'à cette époque Maman avait abandonné l'idée ou manquait de temps pour nous coudre des vêtements maison), mais j'ai quand même réussi, ce qui devait être mon but à moi, à traîner Maman dans une FNAC (rue de Rennes je pense) pour y acheter un album de Lewis Furey. Je crois que c'est la toute première fois que j'allais dans une FNAC.
On a demandé à un vendeur où étaient les disques de Lewis Furey et ils nous a indiqué un présentoir, où ils étaient en hauteur. Le problème, justement, c'est qu'il y en avait deux de ces disques, deux 33 tours, et il a fallu que j'en choisisse un. Je ne sais pas quel a été mon critère, sûrement le fait que celui-ci était le plus récent (l'autre datant de 1975), toujours est-il qu'en fait je n'ai pas choisi le bon, celui qui contenait la chanson de la télé, Hustler's tango.
Ce voyage à Paris était une vraie expédition vu que le soir nous étions invités dans le quartier de la Bastille, chez une cousine de maman. Mon petit cousin Kevan, de quelques années plus vieux que moi, voyant mon sac de disques m'avait demandé ce que j'avais acheté. Je m'attendais, comme ça allait devenir une habitude pour moi, à ce qu'il me réponde qu'il ne connaissait pas Lewis Furey. Au contraire, il m'a dit que celui-ci venait juste de terminer la veille une série de concerts au Palace et qu'il aurait pu m'y emmener si nous étions venus quelques jours plus tôt. Je sais bien qu'en fait cela n'aurait certainement pas pu se faire même si nous étions effectivement venus avant la fin des concerts le 23 novembre 1977, mais quand même, ça me permet de me dire que j'ai failli voir Lewis Furey sur scène lors de son premier spectacle à Paris.
Au bout du compte, j'aurai eu à attendre quelques mois de plus pour avoir enfin le premier album de Lewis Furey, pour mes 15 ans en mars 1978, et encore un peu plus d'un an pour assister au spectacle de Lewis et Carole Laure à Bobino en avril 1979. La différence étant que cette fois-là, je suis allé tout seul à Paris.
Avant d'écouter le disque à la maison, il y avait un peu de lecture, avec une lettre au dos de la pochette adressée à ses auditeurs par Lewis. Evidemment, à l'époque je n'en comprenais pas le dixième. Aujourd'hui, contentons-nous du premier PS : "J'aimerais... Je ne peux pas vous dire à qui ces chansons s'adressent ou de qui elles parlent. Certaines de ces personnes sont encore en vie et je dois respecter leur famille. Et certaines sont pour vous. Bien sûr. Lewis."
Cet exemplaire ramené de Paris est un pressage français de The humours of. Ça a son importance. Dans la chronique de Rock & Folk de l'époque (voir ci-dessous), il était précisé que ce disque A&M était distribué par Barclay. Mais, fin 1977, la distribution venait sûrement de passer chez CBS, qui a récupéré et distribué le stock de Barclay en apposant simplement une étiquette blanche au dos du disque. Par la suite, il y aura un vrai pressage CBS, fait en Hollande comme tous leurs disques, sous la référence AMLH 64594. A part ça, les deux pressages sont identiques et ont le même grave défaut, souligné par Claude Pupin dans sa chronique : ils ne reprennent pas la pochette intérieure avec les paroles imprimées du disque américain.
The humours of est très différent du premier album, Lewis Furey, paru l'année précédente. Il y a évidemment plein de points communs, les compositions de Lewis Furey, ses paroles, son chant, son jeu de piano, mais la différence essentielle c'est que Lewis Furey a accepté pour ce disque la proposition de sa maison de disques d'aller enregistrer à Londres avec le producteur Roy Thomas Baker, qui venait juste de finir la production d'un album à très gros budget, A night at the opera de Queen. Il a donc abandonné la production et les arrangements travaillés et originaux de John Lissauer, avec qui il collaborera à nouveau pour The sky is falling et Fantastica, qui marquaient le premier album : des percussions mais pas de batterie, des instruments à cordes comme le banjo mais pas de guitare.
La transition entre les deux disques se fait pourtant le plus souplement possible avec l'instrumental de 30 secondes qui ouvre le disque, Cops ballet (Ballet de flics), qui est une sorte de tango qu'on jurerait sorti du premier album. Ce titre est repris à la fin de l'album avec un son de crin-crin façon 78 tours. Ce n'est que récemment que j'ai appris que Cops ballet reprenait en fait le thème principal de la musique du film La tête de Normande St-Onge, de Gilles Carle (1975), la première BOF composée par Lewis Furey, avec des arrangements de John Lissauer.
The humours of est d'ailleurs à placer sous le signe du cinéma puisque plusieurs de ses chansons (Je ne sais pas exactement lesquelles, n'ayant jamais vu le film) ont été écrites à l'origine pour le film The rubber gun d'Allan Moyle (1977), dans lequel jouait notamment Stephen Lack, qui a signé les pochettes des trois albums de Lewis Furey. J'ai du mal à faire le lien entre les paroles des chansons et le synopsis du film, qui se concentre sur les milieux de la drogue à Montreal, mais sans risques je peux avancer que Rubber gun show a dû être écrit pour le film, tout comme Top ten sexes (Lewis Furey l'a précisé dans une courte interview à Mojo en 2004). J'y verrai bien aussi Casting for love et peut-être Who got the bag. La musique du film Jacob Two-Two meets the hooded fang (1977), bien que produite par John Lissauer, est également proche par certains côtés de The humours of, notamment la chanson Child power.
Dès que les dernières notes de Cops ballet s'estompent pour laisser la place à Rubber gun show (les titres de l'album sont quasiment tous enchaînés), le contraste avec le premier disque est saisissant : basse électrique de Graham Preskett (également arrangeur de l'album), batterie d'Henry Spinetti, guitare électrique de Ricky Hitchcock (tous des musiciens de session réputés), on est dans une ambiance pop-rock, même si on reste chez Lewis Furey, grâce à notamment au travail sur les choeurs (non crédités), au violon et surtout au chant et au piano de Lewis lui-même. Après ça, on est quand même encore plus surpris quand arrive Top ten sexes, le premier des deux titres "disco" de l'album (avec Who got the bag). Ensuite arrive Lullaby, qui aurait pu faire un tube. Même si la rythmique est marqué et le tempo assez enlevé, c'est l'un des quelques titres qu'on arrive facilement à imaginer comme ayant pu figurer sur le premier album, avec Haunted, Clarabelle's lament, Poetic young man ou Romance. D'autres chansons, comme Legacy ou Lucky guy sont très rock, au point que certains ont fait référence à leur propos au glam rock, voire même à Meat Loaf ou Bruce Springsteen ! Un meilleur point de comparaison serait à mon sens Rocky horror picture show, même si Tim Curry n'est pas présent ici, alors qu'il faisait des choeurs sur un titre du premier album.
Ces derniers jours, j'ai réécouté intégralement cet album au moins dix fois, et plus je l'écoute, plus je le trouve bon. Il n'y a aucune faiblesse ni aucun temps mort. Evidemment, il reste à part dans l'oeuvre de Lewis Furey. Ce qu'il perd en originalité par ses choix d'arrangements et de production, il le gagne en énergie et en accessibilité et, pris isolément, c'est un excellent album pop-rock qui mériterait d'être redécouvert.

(A lire : l'histoire de mon deuxième exemplaire de cet album)


Après des concerts à Montreal en 2008 et Tokyo en 2009, Lewis Furey sera de retour sur scène à Paris, du 4 au 7 février 2010 à l'Européen. On devrait avoir ainsi l'occasion de le voir et l'écouter interpréter son récital de Selected songs, pris parmi ses enregistrements de 1975 à 1985. Les billets pour ce spectacle sont en vente sur le site de l'Européen.
Pour fêter ça, Lewis Furey Productions va rééditer dans les prochaines semaines les deux premiers albums, Lewis Furey et The humours of, et sortir une compilation Selected songs reprenant les premières versions enregistrées des titres interprétés sur scène !




Chronique de The humours of par Claude Pupin dans Rock & Folk, vers 1976 (cliquer pour agrandir).

5 commentaires:

Anonyme a dit…

et le petit "chritou" en bas à gauche? toute une époque, je me souviens même plus du nom de ce truc, ça ne doit plus exister de nos jours, n'est-il pas? C'est à ce genre de détails que l'on voit aussi que le temps passe!
ph

Pol Dodu a dit…

Philippe,
Tu as l'oeil ! C'est une étiquette faite avec une machine Dymo que mes parents avaient achetée ou qu'on avait empruntée à quelqu'un de la famille.
Du coup, j'avais étiqueté tous mes disques de l'époque (Il n'y en avait pas encore beaucoup) et c'est le genre d'étiquette qui tient bien (la preuve) et qu'on ne peut pas décoller sans arracher la pochette.
En tout cas, ça prouve qu'il s'agit bien, contrairement à d'autres fois où je repique des images sur internet, d'une photo de mon exemplaire du disque !

Chants éthérés a dit…

Immense Lewis Furey ! comme beaucoup d'artiste je l'ai découvert grace à une de ses compositions pour Jean Guidoni, il s'agit de "Grand mère fait du strip tease" (c'est introuvable en CD de nos jours), une chanson ironique pleine d'humour noire et dotée d'arrangements délirants à la Kurt Weill comme souvent chez lui.

Je possède le disque chroniqué ici ainsi que quelques autres qu'on m'a offert comme par exemple le très beau "Night Magic" - réédité en CD par un ami producteur. J'adore aussi ses musiques de films, toujours lyriques mais jamais cuculs.

Pour moi c'est presque une sorte de Randy Newman francophone, ses orchestrations sont toujours extremement soignées, ciselées...

Je suis content de lire un article en français sur lui car ils sont assez rares... Bravo pour l'initiative. ;)

robert loiseux a dit…

Bravo pour ces articles que je m'empresse de lire (avec un an de retard) après avoir eu la chance de découvrir Lewis Furey au Théâtre du rond point en cette fin d'année, pour une reprise du récital selected songs (j'y suis allé un peu par hasard, son nom me semblant familier...peut-être une réminiscence d'une émission de Serge Levaillant, qui sait? ou peut-être le parcours de "tes" disques improbables). Dommage que le grand article de la page du site vivonz.. soit illisible à l'écran (typo en corps 5 ou 6 en affichage!). En tout cas, merci pour tout ça

Pol Dodu a dit…

Robert,
Je suis allé aussi au Rond-Point et je me suis régalé. C'était assez différent de l'Européen (musiciens, arrangements, sélection de titres). Une bonne surprise supplémentaire.
Désolé pour les problèmes sur la page Vivonzeureux!. Il doit y avoir un problème technique. Il faudra que je me penche dessus.
Si tout va bien, il y aura d'ici un an (environ) un livre Vivonzeureux sur Lewis Furey...