10 novembre 2013

JO LEMAIRE + FLOUZE : Je suis venue te dire que je m'en vais


Acquis chez Troc.com à Charleroi le 22 mai 2013
Réf : 6021 321 -- Edité par Vertigo en Belgique en 1981
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Je suis venue te dire que je m'en vais -/- Escape (Demo)

Pour moi, Jo Lemaire + Flouze restera toujours associé à un rendez-vous manqué, le seul concert Feedback auquel j'aurais pu assister.
Ça a du se passer pendant le premier trimestre 1980, après la parution du premier album du groupe, mais avant le deuxième il me semble. Bernard Lenoir avait pourtant tout fait pour me faciliter les choses : il avait programmé ce concert non pas à Paris, comme d'habitude, encore moins à  New York ou Lyon, comme ça a dû arriver, non, suite probablement à un deal entre un tourneur et le patron qui venait d'ouvrir sa discothèque, ce concert a eu lieu au Sunshine, rue du Barbâtre, à 45 kilomètres à peine de chez moi.
Il suffisait d'écrire pour avoir des invitations. J'ai écrit et j'ai reçu chez moi deux cartons siglés Radio France, avec les détails du concert de l'invitation tapés dessus à la machine. Je les ai conservés précieusement dans l'attente du concert, et je dois toujours les avoir quelque part au grenier, dans une caisse (je n'ai pas eu le courage d'aller fouiller). Si je les ai toujours, c'est que je n'ai jamais pu me rendre à Reims ce soir-là : à 17 ans, je n'avais pas de permis, et encore moins de voiture. J'avais posé des jalons auprès de deux ou trois copains véhiculés pour les convaincre de m'accompagner, mais celui qui m'avait dit oui m'a fait faux bond au dernier moment. Je me suis donc retrouvé, bêtement, à écouter ce concert comme tous les autres, en direct à la radio, avec en plus la rage au ventre. Peut-être bien que j'ai même été assez maso pour l'enregistrer. Pendant des années j'ai repensé à cette soirée avec ma radio et mon carton d'invitation à chaque fois que je suis passé devant cette discothèque de la rue du Barbâtre, même après qu'elle avait changé de nom.
En tout cas, c'est plutôt pour des raisons financières qu'à cause de cette déconvenue que je n'ai pas acheté le premier Jo Lemaire + Flouze (avec Stakhanov, Running time et Tinterella di luna). Le deuxième, j'ai dû passer à côté, et si j'ai fini par acheter le troisième, Precious time, sorti dès 1981, c'est en grande partie je crois parce qu'il contenait la reprise de Je suis venu te dire que je m'en vais de Gainsbourg, que la maison de disques a choisi, sans trop de surprise, de sortir en 45 tours et qui a donné au groupe son plus grand succès.
J'ai donc l'album depuis très longtemps, mais c'est seulement cette année que j'ai fini par acheter le single, notamment parce que j'ai toujours beaucoup aimé, et j'apprécie toujours autant, cette reprise.
C'était pourtant assez casse-gueule. On aurait pu avoir un banal exercice new wave de reprise en synthétique d'une bonne chanson, pour un résultat sans intérêt, voire désastreux (les exemples sont nombreux), mais il y a de très bonnes réussites dans le genre, et ce titre en fait partie. Pourtant, ce n'est que de l'électronique, tout est très distancié, mais l'émotion est là, sans recourir aux pleurs de Birkin par exemple comme sur la version originale. Les ingrédients sont simples : batterie ou boite à rythmes, basse trafiquée ou synthétique, mais qui joue un rôle essentiel, un synthé aigrelet qui égrène la mélodie, et un autre plaintif, qui démarre tout au fond du mix, comme un theremin discret, et s'avance au premier plan au fil du morceau. Et pour lier le tout et permettre à cette sauce de prendre, le chant de Jo Lemaire, posé, détaché, mais efficace, donc. Une version à ne pas oublier pour qui s'amuse à compiler les meilleures reprises de titres de Gainsbourg.
Mais c'était loin d'être le seul bon titre de Pigmy world. Si Jo Lemaire + Flouze avaient les oreilles bien ouvertes sur tous les paysages sonores de la new wave, y compris les incursions exotiques (Chameleon et Claustrophobia ici), le modèle, notamment pour le chant, était clairement Siouxsie, (Satellites et Siamese sister, parmi d'autres), mais une Siouxsie différente, très posée et presque sage.
J'avais complètement oublié par contre qu'il y avait effectivement présent sur ce disque un invité anglais de marque, associé à la Belgique via Les Disques du Crépuscule, Vini Reilly, le guitariste de Durutti Column (il est même en photo aux côtés de Jo sur la pochette intérieure). Les crédits ne précisent pas sur quels titres il joue (à moins que ce soit tous...), mais il est très probablement présent sur deux des meilleurs titres du disque, Voices in the silence et Shades of night et aussi, là je parierais bien, sur Escape. On voit bien la différence entre le son typiquement Reilly de la guitare sur la version album d'Escape et celui saturé qu'on entend sur la démo, qu'on trouve en face B du 45 tours. Un titre inédit en album, que j'ai la chance d'avoir sur mon édition du 45 tours achetée en Belgique (sauf que mon exemplaire a pris le chaud et a le bord un peu gondolé : je ne peux pas écouter les trente première secondes !). En France, Vertigo n'a pas voulu gâcher une face B avec une démo inédite : ils ont préféré, aussi bien pour le disque promo que pour l'édition disponible à la vente, mettre deux fers au feu avec deux extraits de l'album, Je suis venue te dire que je m'en vais et Shades of night.

5 commentaires:

Virginie a dit…

Je tenais à te remercier pour avoir présenté ce joli 45T que je viens de me procurer. Cette reprise est en effet très belle et le deuxième morceau "Shades of Night"est tout aussi bon

Pol Dodu a dit…

Virginie,
Je m'aperçois que je ne l'ai pas précisé dans le billet, mais "Shades of night" est bien l'un de mes titres préférés de l'album "Pigmy world". En tout cas, j'en déduis que tu as trouvé le 45 tours français, pas le belge. Si tu tombes dessus à l'occasion, tu récupéreras en plus la démo d' "Escape"...

Virginie a dit…

Oui, je crois que mon édition est la française. Peut-être maintenant je vais m'intéresser à l'album Pigmy world. Tu confirmes que Vini Reilly est bien sur Shades of night?

Pol Dodu a dit…

Je le parierais, mais ne peux rien confirmer car, comme je le disais dans le billet, il n'y a pas dans les crédits de détails sur les titres où il apparait (A moins qu'il soit sur tous ? Mais je ne pense pas).
"Pigmy world" dans son ensemble vaut le coup qu'on s'y intéresse. Pour te faire une idée, tu peux aller voir chez Systems of Romance.

Virginie a dit…

Excellent au final ce "Pigmy world". L'influence Siouxie est évidente, mais ils n'ont pas à rougir de ce que faisait les anglais à la même époque.Y'a vraiment des titres très intéressants.

Une très belle découverte, et une fois de plus grâce à ton blog!