11 avril 2015

FRANKLIN BOUKAKA : M'bongi - Ya m'bamba


Acquis sur le vide-grenier de Tours-sur-Marne le 5 avril 2015
Réf : CDI 605 -- Edité par C.E.D.D.I. en France vers 1970
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Ya m'bamba -/- M'bongi (M'bongo malambe malembe)

A peine arrivé sur le vide-grenier de Tours-sur-Marne dimanche dernier, par un temps superbe, je tombe sur un de ces gros sacs plastique Leclerc réutilisables, plein de 45 tours. La vendeuse en voulait 1,5 € pièce, ce qui n'est pas donné, mais j'avais déjà remarqué qu'il y avait dans le lot des EP années soixante (genre Eddy Mitchell), ce qui laissait soupçonner qu'il y avait peut-être quand même bonne affaire à faire.
Quand je suis tombé sur ce 45 tours de Franklin Boukaka, en parfait état, avec une superbe pochette, j'ai su que l'affaire était faite et que, même si la musique était décevante, ce 45 tours serait ma plus belle découverte du jour. Je n'ai pas été déçu, d'autant que la musique s'est révélée tout aussi superbe que l'emballage !
C'est au dos de son album de 1970, enregistré à Paris avec arrangement et direction d'orchestre de Manu Dibango, que j'ai trouvé le portrait le plus détaillé de Franklin Boukaka. En voici un extrait :
"Né à Brazzaville le 10 octobre 1940, Franklin Boukaka présente un curriculum vitae déjà bien chargé. En 1958, alors que montent au firmament de la musique congolaise Essous, Kabassele et Franco, F. Boukaka n'en est alors qu'à son premier tour de chant. Tour de chant qui le fera remarquer d'ailleurs car, quelques semaines après, avec Max Clary, il créera l'orchestre Negro-Band. A partir de ce moment, il ne s'arrêtera plus. De plus en plus, il s'affirme et c'est grâce à lui que l'orchestre Cercul-Jazz de Brazzaville gagnera la coupe du meilleur Orchestre de la rive droite du Congo. De retour à Kinshasa, il entreprendra de nombreuses tournées à travers l'Afrique avec des formations célèbres comme l'African-Jazz de Kabassele ou le Vox-Africa de Bombenga. En 1965, F. Boukaka rentre au Bercail. Il devient alors un artiste militant et va consacrer des efforts inlassables à la création ou l'animation d'Organes Culturels récemment lancés par les dirigeants politiques de son Pays. Contre toute attente, F. Boukaka crée et lance un ensemble d'instruments traditionnels. Il en est non seulement l'âme mais également l'animateur et c'est au sein de cet ensemble que se révèlent ses talents de ténor. Cela lui vaudra des voyages en France où il se produit au Salon International de la Radio, en Yougoslavie, en U.R.S.S. et en Corée du Nord.
Parmi ses succès, il faut citer Louzolo - Les immortels (consacré à tous les héros révolutionnaires du Tiers-Monde), Les Brazzavilloises, Pont sur le Congo etc... Franklin Boukaka qui est animateur Culturel continue à présent à consacrer ses loisirs à la chanson, et ses tours de chant attirent toujours un grand public qui non seulement l'apprécie et l'admire, mais l'encourage à persévérer malgré les nombreuses difficultés qu'il rencontre dans cette carrière."
Ce texte de l'écrivain congolais Guy Menga est daté du 30 avril 1970. Il restait alors moins de deux ans à vivre àFranklin Boukaka. Artiste militant et donc exposé en période de troubles politiques, il a fait partie des victimes de la tentative de coup d’État du mouvement M22 mené par Ange Diawara la 22 février 1972 en République Populaire du Congo, probablement exécuté par des adversaires politiques.
J'ai été conquis dès les trente premières secondes d'intro instrumentale de Ya m'bamba. De la sanza en instrument principale, ce qui sonne comme une basse acoustique, des percussions discrètes et de la guitare acoustique en accompagnement. Magnifique. Arrive ensuite le chant, avec un choeur et des couplets en solo par Franklin Boukaka. La formule est la même sur la face 2 pour M'bongi (ainsi titré sur la pochette mais c'est M'bongo malembe malembe qui est indiqué sur l'étiquette du disque). Ce titre est signé P. Badinga, et ça va peut-être nous aider à situer ce disque dans le parcours de Franklin Boukaka.
Ce disque est probablement sorti à l'origine sur le label Sonafric. C'est le quatrième et dernier de Boukaka sorti par ce label, après ses grands succès Les immortels et Le bûcheron.
Comme Guy Menga le raconte, après l'aventure Cercul-Jazz, Franklin Boukaka a formé en 1967 un ensemble d'instruments traditionnels. Dans son livre Rumba on the River : A history of the popular music of the two Congos, Gary Stewart précise page 164 que cet ensemble, qui a joué à Paris à l'invitation d'OCORA, comprenait Boukaka à la guitare acoustique ainsi que Pierre Badinga et Albert Mampouya aux sanzas. Je pense que ce sont les membres de cet ensemble qu'on entend sur ce disque, mais les deux titres ne font pas partie de ceux édités ou réédités sous le nom de Franklin Boukaka ses Sanzas et son Orchestre Congolais.
En 1970, outre l'album enregistré à Paris avec Manu Dibango qui contient son titre le plus connu de nos jours, Le bûcheron, Franklin Boukaka a collaboré avec le groupe guinéen Keletigui et ses Tambourinis pour deux 45 tours, dont l'un a pour face A M'bongi eyi. J'ai pensé un instant qu'il s'agissait de la même chanson que celle de mon 45 tours, mais non. Par contre, on voit bien sur les pochettes des deux 45 tours avec Keletegui que le logo Franklin Boukaka est strictement le même que sur mon disque. Cela s'explique par le fait que le label Syliphone, qui a édité ces deux disques, était distribué exclusivement pour tous les pays excepté la République de Guinée par la société C.E.D.D.I., sûrement avant tout un distributeur qui a dû se lancer un temps dans l'aventure de l'édition de disques en propre, dont celui-ci et quelques rares autres.
Un mot sur la pochette de ce 45 tours, une très belle photo de Franklin Boukaka posant devant ce qui est manifestement une fresque politique. Je pensais que la photographe créditée au verso était une inconnue, mais non. Paule Lejeune, qui est morte en 2014 à 89 ans était aussi une militante, en plus d'être une femme de lettres, historienne, et photographe donc. Elle a notamment enseigné à Brazzaville, où elle a mené un projet d'école du peuple.

A écouter :
Franklin Boukaka : Ya m'bamba.

Franklin Boukaka : M'bongi (M'bongo malembe malembe).

1 commentaire:

Pol Dodu a dit…

Une nouveauté bienvenue chez Fremeaux, "L’immortel - The 60’s rumba revolution in Congo", une rétrospective de Franklin Boukaka en trois CD.