26 juin 2016

NUMBER ONE AMERICAN HIT PARADE


Acquis sur le vide-grenier de Chouilly le 19 juin 2016
Réf : 62754 -- Édité par CBS en France en 1966
Support : 33 tours 30 cm
10 titres

Ça faisait quelques années que je tendais le dos en me disant que ça allait arriver, et cette fois-ci je crois bien qu'on y est : un quart de siècle environ après l'arrêt de la production de masse des vinyls, ça devient vraiment difficile de faire des trouvailles sur les vide-greniers. Pas seulement des disques pas chers, mais aussi des trucs un peu excitants, curieux, surprenants. On est à la moitié de l'année, et c'est seulement le quatrième disque trouvé en vide-grenier que je chronique et, même si la météo n'était pas de la partie ces derniers mois, je pense que c'est une tendance lourde et, visiblement, les CD ne compensent qu'en très faible partie l'épuisement du filon de vinyls.
Donc, en 2016, j'en viens à me féliciter d'avoir pu acheter 2 € ce 33 tours en bon état, une compilation-catalogue en mono du label CBS en 1966.
Pas vraiment de raretés là-dedans, et je pense qu'il y a quelques années je ne m'y serais pas intéressé, mais j'ai appris que cette compilation en elle-même est assez rare car elle n'a été éditée qu'en France et en Israël. La photo de pochette de M.-C. Moreau, une photographe dont je n'ai pas retrouvé la trace, donne bien le ton de la mode de l'époque. Cette photo est récemment redevenue d'actualité, puisqu'elle a été utilisée fin 2015 pour illustrer l'insert du double-CD The Bootleg Series Vol. 12 - Bob Dylan 1965-1966 The Best Of The Cutting Edge.
Justement, alors qu'on vient de marquer les cinquante ans de Like a rolling stone et Blonde on blonde en rééditant à qui mieux mieux jusqu'à l'intégralité des sessions de l'époque de Bob Dylan (rien qu'à lire la liste des titres du coffret le plus complet, je commence à attraper la nausée avant même la fin du premier CD tant il y a de prises d'une même chanson !), je suis quand même bien content d'avoir trouvé cet objet d'époque, qui contient un peu plus de 40% de Dylan et 80% de folk-rock, la saveur musicale du moment pour laquelle CBS était à la pointe.
L'album s'ouvre avec Rainy day women # 12 & 35. Un titre enregistré tout à la fin des sessions de Blonde on blonde, le 10 mars 1966, et qui a été le premier à être publié, à peine un mois plus tard. Comme il n'y aucune mention sur cette compilation de Blonde on blonde, on peut avancer qu'elle est sortie entre la publication du 45 tours en avril et celle de l'album vers le mois de juin. La version 45 tours qu'on trouve ici a été considérablement raccourcie par rapport à celle de l'album : deux minutes ont été coupées, soit un couplet et une section instrumentale.
J'aime beaucoup l'atmosphère de fanfare et de fête de cette chanson et jeu de mots facile du refrain sur le sens de "stoned", qu'il est impossible de traduire uniquement par "Tout le monde doit doit être lapidé" !
Les trois autres chansons de Dylan de ce disque sont extraites de l'album Highway 61 revisited, avec le morceau-titre, Tombstone blues, rapide et électrique et le classique des classiques, Like a rolling stone.
Il y a au moins un livre entier, de Greil Marcus, dédié à la seule chanson Like a rolling stone et je ne vais pas en rajouter dans l'exégèse. Contrairement à de nombreuses autres chansons de Dylan, le propos est clair et, ce qui surprend toujours, c'est la quantité de bile qu'il déverse dans cette chanson (quantité qu'il n'a égalée, de ce que je connais, qu'avec Idiot wind). La fille dont il est question est à terre, à la rue, mais il lui assène coup sur coup ("Tu es invisible maintenant"). Le "Bien fait pour toi" de La cigale et la fourmi est élevé ici à la puissance 10.
S'il y a un peu plus de 40 % de Dylan sur ce disque, c'est parce qu'on y trouve aussi sa chanson Mr. Tambourine man, enregistrée par Les Byrds le 20 janvier 1965, cinq jours après la version de Dylan, qui n'était pas encore publiée. Mais Dylan avait déjà enregistré des versions non publiées et les deux étaient sur le même label, ça aide... Cette excellente version est l'acte fondateur du folk-rock. On trouve ici également un autre excellent tube des Byrds de 1965, Turn ! Turn ! Turn ! (To everything there is a reason),
J'ai été surpris en écoutant la version de The sound of silence qu'on trouve ici. Je connais bien cette chanson, mais je ne souvenais pas qu'on y entendait une basse aussi marquée et un accompagnement électrique. C'est parce que la version que je connais est une version acoustique, pas celle produite pour un 45 tours par Tom Wilson, sans l'accord du duo, avec les mêmes musiciens que pour les sessions de Like a rolling stone et en s'inspirant du son de Turn ! Turn ! Turn ! des Byrds. Idem pour I am a rock, une chanson que je connaissais beaucoup moins, qu'on trouve ici dans sa version single de 1966, présente aussi sur l'album Sounds of silence, comme pour l'autre titre.
Tout ça donne une unité très forte à ce disque, inhabituelle pour une compilation-catalogue. Les seuls à détoner un peu sont Paul Revere and the Raiders, un groupe que je connais de réputation mais dont je n'avais aucun titre nulle part jusque-là. On trouve ici l'un de leurs plus grands succès, Kicks, et sa face B, Shake it up, que je préfère, largement instrumentale, parfaite pour illustrer une scène de danse dans des films ou des séries d'époque.
Voilà, ce n'est quand même pas si mal, mais j'espère quand même trouver plus et mieux en chinant cet été. Sauf que je suis encore rentré bredouille ce matin... Mais il ne pleut pas (encore), alors je vais ressortir pour tenter ma chance ailleurs...




25 juin 2016

WILLARD GRANT CONSPIRACY + TELEFUNK : In the fishtank


Acquis chez Emmaüs à Scherwiller le 20 juin 2015
Réf : In the fishtank 8 -- Édité par Konkurrent aux Pays-Bas en 2002
Support : CD 12 cm
6 titres

J'ai acheté ce CD il y a un an chez Emmaüs en Alsace. Il a précédemment fait partie des collections de la Médiathèque de Sélestat.
C'est la chronique de The Handsome Family qui m'a donné envie de réécouter les disques d'un autre groupe d'Americana avec un grand barbu baraqué comme l'un des principaux membres. Robert Fisher est même devenu au fil du temps le seul membre permanent de Willard Grant Conspiracy, groupe qui a débuté avec un deuxième auteur-compositeur, Paul Austin, parti ensuite fonder Transmissionary Six.
J'ai eu l'occasion de voir le groupe en concert le 17 juin 1999, dans la dernière année de L'Usine à Reims. Un bon concert dont je garde peu de souvenirs précis, si ce n'est que la première partie était assurée par Edith Frost, une artiste plutôt timide qui avait ensuite rejoint ses amis WGC sur scène.
In the fishtank était un projet du label hollandais Konkurrent, qui consistait à profiter du passage de groupes en tournée dans le pays pour les inviter à enregistrer rapidement un court CD (deux jours dans le bocal d'un studio pour 20 à 30 minutes de musique) en leur offrant ainsi un espace d'expression et d'expérimentation. 15 titres ont paru entre 1996 et 2009, souvent le fruit de collaborations. Outre celui-ci, ceux qui m'attirent le plus sont le Low + Dirty Three et le Sparklehorse + Fennesz.
C'est Telefunk qui est à l'origine de cette session. Le duo hollandais harcelait Konkurrent depuis un moment pour participer à ce projet, mais le label pensait que ce serait plus intéressant s'ils pouvaient s'associer avec un artiste de renommée internationale substantielle. Ils ont choisi d'inviter Willard Grant Conspiracy, qu'ils connaissaient bien puisque Robert Fisher avait co-produit deux albums de leur groupe précédent Cords. C'est ensuite qu'ils ont décidé de se concentrer sur des chansons traditionnelles d'autour de 1900.
Telefunk est un groupe plutôt électronique, WGC plutôt acoustique. Du coup, exceptionnellement, des répétitions ont été organisées, mais finalement l'osmose s'est produite et Telefunk a apporté au son de WGC une contrebasse, du sampler, des bruits analogues et la voix de sa chanteuse Simone.
Le premier titre, Twistification, sonne vraiment comme du Willard Grant Conspiracy. A tel point qu'on peut considérer cette version comme un canevas pour celle que le groupe a incluse en 2003 sur Regard the end, l'un de ses meilleurs albums.
L'apport de Telefunk se fait plus sentir sur les deux titres suivants, plus rythmiques : Cuckoo, avec une basse bien en avant, et Grün grün, construit autour d'une boite à rythmes. Ces deux titres sont chantés à deux voix, mais Grün grün est aussi bilingue allemand-anglais. 
Near the cross est une belle version d'un hymne religieux du 19e siècle, Jesus keep me near the cross.
Mes titres préférés sont les deux derniers. Just a little rain est une excellente version, également avec boite à rythmes et plusieurs voix, plus sûrement de la contrebasse jouée à l'archet, de What have they done to the rain, une chanson composée en 1962 par Malvina Reynolds dans le cadre d'une campagne pour stopper les essais nucléaires aériens et leurs retombées radioactives. Je ne connaissais pas du tout le nom de Malvina Reynolds, mais elle est aussi notamment l'auteur d'une chanson que j'aime beaucoup, Little boxes, chantée par Pete Seeger et en français par Graeme Allwright.
Dig a hole in the meadow est elle aussi plus connue sous un autre titre, Darlin' Corey. C'est une chanson sur l'alcool de contrebande et aussi sur l'amour, souvent interprétée en version bluegrass, y compris par The Lilly Brothers. Ici, il y a du violon, mais la chanson est très ralentie et est elle aussi dans le plus pur style de Willard Grant Conspiracy.

Ghost republic, le dernier album en date de Willard Gant Conspiracy, est sorti en 2013 mais un nouveau disque est en préparation. 
Telefunk a sorti trois albums entre 1999 et 2003. Je suppose que le groupe n'existe plus depuis longtemps.

19 juin 2016

THE HANDSOME FAMILY : Singing bones


Acquis dans les années 2000 peut-être par correspondance chez Glitterhouse
Réf : VJCD144 -- Édité par Loose en Angleterre en 2003
Support : CD 12 cm
13 titres

J'ai connu The Handsome Family vers la fin des années 1990, grâce à plusieurs compilations d'Americana sur lesquelles le groupe était présent. J'ai récupéré aussi pas mal de MP3 et j'ai fini par acheter quatre de leurs albums, celui-ci, leur sixième, étant le plus récent.
Même si dans les premiers temps (le premier disque date de 1994), il y avait un batteur membre du groupe à plein temps, The Handsome Family c'est avant tout un duo-couple, Brett et Rennie Sparks. Elle, Rennie, écrit quasiment toutes les paroles, chante et joue divers instruments sur quelques titres. Lui, Brett, compose toutes les musiques, chante sur beaucoup de titres et joue de plein d'instruments. Cela fait des années qu'ils enregistrent leurs albums à la maison, avec quelques amis invités sur chaque disque.
Leur style est musicalement proche de la country, avec des chansons plutôt lentes et une ambiance souvent aux tonalités gothiques, avec des paroles où la nature est souvent présente (comme sur leurs pochettes).
L'album propose une séquence d'ouverture remarquable : The forgotten lake, à deux voix avec sa guitare steel; Gail with the golden hair, une valse24-hour store, avec sa scie musicale qui vaut bien une pedal steel (Je me souviens d'un entretien où ils expliquaient que, quand il s'est mis à la scie musicale, Rennie devait traverser la ville en bus pour aller prendre des cours ou donner des spectacles, et que ce n'était ni pratique à transporter ni très discret.); The bottomless hole, avec tout au long ce qui sonne comme un grincement de porte.
Arrive ensuite Far from any road, chanson parmi d'autres sur cet album et dans le répertoire du groupe (aucune des chroniques d'époque ne la mentionne...), jusqu'à 2014, quand le groupe a reçu de HBO un message leur demandant s'ils pouvaient utiliser cette chanson pour le générique d'une nouvelle série. Cette série, c'était True detective, et le succès de la série a déteint sur le groupe qui, d'un seul coup, s'est découvert plein de nouveaux fans grâce à une chanson qui avait déjà plus dix ans. J'aime beaucoup Far from any road, mais j'ai un petit problème avec cette chanson car, avec sa guitare espagnole, ses cuivres (dont je déduis des crédits qu'ils sont synthétiques), elle sonne plus comme du Calexico époque The Black light / The ballad of Cable Hogue que comme du Handsome Family.
Les deux "faces"/moitiés du disque se terminent avec un choeur de Bretts qui interprètent deux chansons en miroir, If the world should end in fire et If the world should end in ice.
Entre les deux, le niveau ne baisse pas, avec notamment A shadow underneath, Fallen peaches, Whiteheaven, avec sa basse jouée à l'archet, The song of a hundred toads et Dry bones, la seule reprise du disque, un titre traditionnel qu'on trouvait sur The anthology of American folk music de Harry Smith.
The Handsome Family joue rarement en France (la dernière fois c'était en octobre 2015 à Paris), mais je ne désespère d'avoir l'occasion de les voir en concert...

Unseen, le dizième album de The Handsome Family, est annoncé pour septembre 2016.


The Handsome Family, 24-hour store (sans scie musicale), en concert au High Noon Saloon à Madison le 12 juin 2010.


The Handsome Family, Bottomless hole, à Hyde Park, Sidney, en janvier 2010.


17 juin 2016

CAMPER VAN BEETHOVEN : Take the skinheads bowling


Offert par Rough Trade Records à Londres en 1986
Réf : RTT 161 -- Édité par Rough Trade en Angleterre probablement en septembre 1986
Support : 45 tours 30 cm
Titres : Take the skinheads bowling -/- Epigram -- Cowboys from Hollywood -- Atkuda -- Epigram -- Colonel Enrique Adolfo Bermudez

Je n'arrive pas à retrouver la date exacte, mais c'était sûrement lors de mon séjour à Londres en septembre 1986. Je me souviens bien par contre dans quelles circonstances j'ai récupéré ce disque : lors d'une de mes quelques visites dans les locaux de Rough Trade Records où j'accompagnais Joe Foster ou Alan McGee. A chaque fois, ils m'emmenaient voir les services chargés des relations presses pour faire de la retape, expliquer que je produisais une émission de radio en France et m'aider à récupérer des disques. J'ai eu comme ça That Summer feeling de Jonathan Richman et plusieurs disques de The Smiths. En septembre 1986, le label s'était installé dans Collier Street, dans le quartier de King's Cross et, le même jour, j'ai dû recevoir aussi The good Earth de The Feelies et un mini-album de The Stars of Heaven. L'année suivante, j'ai acheté Camper van Chadbourne.
C'est avec ce single qu'on a découvert Camper van Beethoven en Europe. La face A est prise de leur premier album Telephone free landslide victory, sorti l'année précédente aux Etats-Unis.
J'ai toujours un petit regret de ne pas avoir acheté à sa sortie, comme Philippe R. a eu la bonne idée de le faire, le coffret basique Cigarettes and carrot juice, que Glitterhouse vendait une vingtaine d'euros. A ce prix, on avait les trois premiers albums du groupe, plus une compilation de raretés et un album en public !
Depuis, j'ai trouvé des CD promo de CvB, dont le double album de leur version de Tusk et, récemment, un extrait de dix titres du coffret, mais au bout du compte, c'est toujours vers Take the skinheads bowling que je reviens, un essai qui était un coup de maître.
La pochette est réussie et intéressante. On y voit une photo du guitariste Greg Lisher avec la gueule de bois, recouverte d'une lettre manuscrite expliquant au label pourquoi ils ont choisi de mettre cette photo sur la pochette du disque. On n'est loin du concept de la pochette initiale de Go 2 de XTC.
Dans un long article sur son site 300songs.com, David Lowery, l'auteur de la chanson, explique notamment qu'il ne s'attendait pas à ce que le premier album contienne un tube et que, s'il devait y en avoir un, il aurait plutôt parié sur Where the hell is Bill ou The day that Lassie went to the moon. Pourquoi ? "Nous considérions Take The Skinheads Bowling comme une chanson bizarre sans aucun sens. Les paroles ont été volontairement structurées de façon à ce qu'elles soient vides de sens. Chaque vers devait saper toute signification possible établie par le précédent. C'était le début des années 1980 et tous nos pairs écrivaient des chansons qui étaient pleines de sens. C'était notre façon de nous rebeller. Incidemment, c'est le fait le plus important à propos de cette chanson. Nous voulions que les paroles n'aient aucun sens cohérent."
Et ces paroles, inspirées sûrement par les deux vers "Hier soir, il y avait des skinheads sur ma pelouse. Emmène les skinheads au bowling", sont marquantes (il y a même, comme avec Blitzkrieg pop des Ramones, un méta-vers, "There’s not a line that goes here that rhymes with anything"), mais la musique est aussi pour beaucoup dans la réussite de l'enregistrement, avec les ingrédients qui feront le succès du groupe, guitares et violon, folk, rock et country. Ça me fait penser à ce que feront plus tard les australiens de C.O.W., et les chœurs qui se répondent m'évoquent à chaque écoute les Modern Lovers époque Roadrunner.
En face B, on a droit à cinq courts titres, dont deux interludes titrés Epigram. Cowboys from Hollywood et Colonel Enrique Adolfo Bermudez sont deux bonnes chansons (cette dernière est très proche dans l'esprit de The Monochrome Set, un autre groupe que l'humour et le nonsense n'effraient pas), tandis que Atkuda est un instrumental folklorique (une polka ?) avec le violon comme instrument principal.

Camper van Beethoven est reformé depuis une bonne quinzaine d'années, même si ce n'est sûrement pas un projet à plein temps.
Tous les titres de ce maxi ont été inclus, avec d'autres, en bonus de la réédition CD de 2004 de Telephone free landslide victory.



Camper van Beethoven, Take the skinheads bowling, en direct dans l'émission Whistle test de la BBC, en 1987.

14 juin 2016

LES MATCHBOXX : Une carrière en plomb


Acquis chez C'est Deux Euros à Reims le 1er juin 2016
Réf : MDCD 712 -- Édité par Musisoft en France en 1999
Support : CD 12 cm
12 titres

Je vous laisse deviner le prix que j'ai payé ce disque...
Je ne connaissais pas du tout ce groupe, mais c'est le seul qui a attiré mon attention parmi la trentaine de CD qu'il y avait dans ce magasin. Certes, le nom du groupe est plus que bateau, même avec deux X, mais un album tout en français avec des titres comme Les animaux qui puent ou J'y peux rien si on m'engueule, ça valait la mise.
Avec ce nom Les Matchboxx et ce look, je m'attendais à un projet rétro. Il l'est en partie, mais c'est avant tout un disque de pop rigolote, genre auquel j'adhère de longue date, dans la lignée de groupes ou artistes comme (allez, je fais un lot) Au Bonheur des Dames et Odeurs, Sttellla, Otto, Les Boum Bomo's ou La Position du Tireur Couché, parmi beaucoup d'autres.
Tout ne fonctionne pas parfaitement sur ce disque, mais il y a plein de bons moments, et un album qui contient à la fois un titre avec Dave invité au chant (Le très sympa Le twist, pour le coup le titre le plus rétro sixties de l'album) et un hommage à Pierre Henry (l'instrumental Opéra spatial) gagne d'emblée quelques bons points. Du beau monde est associé à ce projet, avec la participation de l'ex-Satellites Polo et la production de Yann Cortella, qui a notamment co-produit Genre humain de Brigitte Fontaine.
Après Vivien Goldman et sa Launderette, on reste à la laverie avec la vidéo du morceau-titre Une carrière en plomb, où le groupe se moque de sa non-carrière. L'autre titre qui a eu droit à une vidéo, Fauché comme toi, est très bien aussi, mais j'ai un peu de mal avec la ribambelle d'avortements de Stérilité, sérénité. La seule reprise du disque est Pipiou fait cuicui, chanson co-signée par François Rauber. La version originale était interprétée par Pipiou, personnage vedette de la télé de la fin des années 1960. C'est Linette Lemercier qui lui donnait sa voix.

Les Matchboxx sont séparés depuis longtemps maintenant, mais le groupe n'est pas complètement inactif. L'an dernier, leur premier maxi, Le chemin de la route, a été réédité en vinyl. Cette année, ce sont les maquettes inédites de 2003 qui ont été diffusées. Elles étaient prévues pour un deuxième album qui n'a jamais vu le jour.
Deux des trois membres du groupe se produisent sous leur nom, Claire Deligny et David Courtin. Après C'est commercial, une collection de ses EP de 2006 à 2010, il sort le 24 juin son premier album, Volupté des accointances, enregistré notamment avec Benoît Bonté, le troisième larron des Matchboxx.





11 juin 2016

VIVIEN GOLDMAN : Dirty washing


Acquis chez A la Clé de Sol à Châlons-sur-Marne en 1981
Réf : 101581 -- Édité par Virgin / Window en France en 1981
Support : 45 tours 17 cm
Titres : Launderette -/- Private armies

Ça m'a fait un drôle d'effet de lire des chroniques de Resolutionary songs, la compilation récemment sortie par le label Staubgold de titres enregistrés entre 1979 et 1982 par Vivien Goldman. En effet, cette compilation, bien avant que je ne crée mon propre label et que j'imagine des disques virtuels, je l'avais déjà établie moi-même, dès 1982, sur une cassette où j'avais enchaîné les contributions de Vivien Goldman aux enregistrements des Flying Lizards et les deux faces du 45 tours sorti sous son nom.
Il y a quelques différences avec l'album commercialisé près de trente-cinq ans plus tard mais, les sources étant limitées, elles sont minimes : pas de P.A. dub sur ma cassette car, ayant le choix entre un 45 tours français et un maxi superbe au carton épais du label américain 99 Records avec ce titre en plus, mes finances de lycéen m'avaient contraint à me contenter du deux titres. Par contre, j'avais mis Wind sur ma cassette, la version réenregistrée de The Window des Flying Lizards en face B du 45 tours Lovers and other strangers, avec la voix de Vivien mais pas de paroles. Et il y avait aussi Clean bridges, la chanson de Embrace the herd de The Gist sur laquelle Vivien Goldman fait des choeurs. Et puis, je n'avais pas mis les trois titres de l'unique maxi de Chantage, un duo composé de Vivien Goldman et Eve Blouin, pour la simple et bonne raison que, quand Celluloid a sorti It's only money en 1982, je n'en ai pas entendu parler et je n'ai donc jamais été au courant du lien avec Vivien Goldman.
Vivien Goldman, qui était à l'époque journaliste chez Sounds, c'est donc avec le premier album de Flying Lizards que j'ai fait sa connaissance. Elle y signe deux excellents titres, Her story, avec une ambiance un peu à la Family Fodder, et surtout The window, qui clôt l'album et qui m'a toujours fasciné.
Je me suis donc précipité sur son 45 tours quand il est sorti, je n'ai pas eu besoin de me pencher sur l'impressionnante liste des participants à ce petit disque pour me motiver : Keith Levene et John Lydon de PIL co-produisent la face A (il se dit que l'enregistrement s'est fait en marge des sessions de Flowers of romance) tandis qu'Adrian Sherwood d'On U Sound se charge de la B. Keith Levene joue de la guitare et de la basse. Steve Beresford, qui participait aussi à l'aventure Flying Lizards, est au piano jouet et à la basse. Vicky Aspinall des Raincoats est au violon. Sur Launderette seulement, George 'Levi' Oban d'Aswad est à la basse et Robert Wyatt aux percussions.
Avec tout ce beau monde, c'est de façon surprenante Vicky Aspinall plus que Keith Levene qui marque de son empreinte le son de Launderette : dès les premières notes de son violon, on a l'impression d'être plongé dans un disque des Raincoats, même si on reconnaît le jeu si particulier de Levene dans la partie instrumentale sur la fin.
La chanson raconte d'un ton léger une histoire nouée à la laverie automatique ("Je voulais 10 pence pour la sécheuse, oui, c'est comme ça qu'on s'est rencontré") et, après un café à la maison, le gars est toujours là deux semaines après. Le refrain, "I can't complain we went down the drain", est bien vu mais pas facile à traduire ("Je ne peux pas me plaindre que notre histoire soit allée à vau-l'eau" ?).
Sur le 45 tours, et encore plus sur le maxi, la chanson est illustrée façon roman-photo par Jean Bernard Sohiez. A quelques années d'écart et avec un peu de budget, elle se serait parfaitement prêtée au jeu de la vidéo.
En face B, Private armies est tout aussi bien, même si le thème n'est pas aussi léger. Il y a une basse énorme et, cette fois, le chant me fait penser aux Slits. Sans trop de surprise car ces gens-là étaient tous très proches : on retrouve Vivien et Ari Up ensemble aux chœurs sur un album que je possède, Cry tuff dub encounter chapter III de Prince Far-I and the ArabsI.

Vivien Goldman reste très active. En plus de cette compilation rétrospective, elle vient de signer avec August Darnell de Kid Creole and the Coconuts la comédie musicale Cherchez la femme, présentée pour la première fois fin mai à New York.


08 juin 2016

THE RIVIERAS : California Sun


Acquis chez Emmaüs à Tours sur Marne le 26 mars 2016
Réf : DV 14760 -- Édité par Vogue en Allemagne en 1968
Support : 45 tours 17 cm
Titres : California Sun -/- H. B. goose step

Le même jour que l'album des Lilly Brothers, j'ai acheté deux 45 tours chez Emmaüs, Chat de Plastic Bertrand et celui-ci.
J'ai vraiment hésité avant de prendre ce 45 tours (et à 1 € pièce, désormais, je me méfie avant de prendre des disques inconnus).
The Rivieras, c'est vraiment bateau. California sun, encore plus. Et un disque "Rock 'n' roll" de 1968 sur Vogue Allemagne ? Tout ça me paraissait bizarre et je me demandais s'il s'agissait d'une version d'un titre connu par des anonymes ou d'un original "à la manière de".
Je l'ai pris quand même, pour être sûr de ne pas rater une bonne occasion, et dès que j'ai entendu les premières secondes j'ai su que j'avais bien fait. Non seulement le son était prometteur, mais j'ai instantanément su que je connaissais déjà cette chanson.
Après vérification, j'ai appris que cette version de California sun par The Rivieras, enregistrée en 1963, est bien la plus connue. Elle a eu un grand succès aux Etats-Unis en 1964, et je ne sais pas pourquoi on l'a rééditée en Allemagne en 1968.
En tout cas, il ne s'agit pas de la version originale. Celle-ci, par Joe Jones en 1961, dans un style rhythm and blues, n'a eu qu'un succès modeste.
La version de The Rivieras, dans un style surf-garage, est excellente. Elle a la particularité de faire la part aussi belle à l'orgue qu'à la guitare. Les paroles dont du basique de chez basique, dans la lignée des Beach Boys des débuts. D'ailleurs, les "California girls" n'ont pas été oubliées, comme le shimmy et le twist.
Je me suis rendu compte en rédigeant ma chronique de l'album Ramones, que c'est sûrement par eux que j'ai connu cette chanson : ils ont mis leur version sur l'album Leave home en 1978 et elle est aussi sur It's alive. J'ai sûrement eu aussi l'occasion plusieurs fois d'écouter celle des Dictators sur l'album Go girl crazy ! de 1975.
Mais les interprétations de cette chanson sont légion. Parmi celles dans la foulée du succès de The Rivieras, il y a Hal Blaine en public en 1965 et même The Byrds et The McCoys associés dans l'émisssion Shindig !, en 1965 aussi.
Brian Wilson lui même a enregistré cette chanson, en 2010 sur la BO de Curious George 2 : Follow that monkey !
La face B, H. B. goose step, est très bien aussi, même si on se demande ce que peut bien être ce "Pas de l'oie H. B.". C'est un instrumental avec, cette fois-ci, l'orgue seul en instrument principal.

06 juin 2016

RAMONES : Ramones


Acquis chez Amazon par correspondance en juin 2016
Réf : 8122-74306-2 -- Édité par Warner Archives / Rhino en Europe en 2001
Support : CD 12 cm
22 titres

Je suis venu assez tard aux Ramones. Je connaissais le groupe de réputation, j'avais au moins deux de leurs titres sur la compilation Sire New wave, j'avais écouté le double album It's alive et j'avais même acheté le 45 tours Howling at the moon (Sha-la-la), produit par Dave Stewart d'Eurythmics, mais c'est seulement en novembre 1985, lors d'un séjour à Glasgow où j'étais hébergé chez deux membres de Primal Scream, que j'ai vraiment écouté les Ramones des débuts et découvert une de mes chansons préférées du groupe, Blitzkrieg pop.
En fait, plongé dans la discothèque évidemment très fournie des locataires de l'appartement, j'ai fini par aller m'acheter deux ou trois cassettes vierges que j'ai remplies d'excellents titres, du remix de Cheree de Suicide à Another girl, another planet de Only ones, en passant par des chansons en anglais de Françoise Hardy et donc Blitzkrieg pop.
J'aurais bien aimé chroniquer ici le 45 tours français de Blitzkrieg pop, qui est en bonne place dans l'Avis aux inventeurs d'épaves de Pascal Comelade, mais ce disque diffusé par Philips a dû se vendre à très peu d'exemplaires. Peu de chance de le trouver en vide-grenier donc, contrairement à Love goes to building on fire, le premier 45 tours de Talking Heads, aussi chez Philips, sur lequel je suis tombé plusieurs fois. Pour celui des Ramones, il faut aujourd'hui investir au moins 150 € chez Discogs pour s'offrir le disque et sa pochette (un mec ose vendre la pochette seule 125 €...). Le 45 tours anglais avec sa pochette façon roman-photo, pourtant beaucoup moins rare, n'est pas donné non plus. En tout cas, hors de question pour moi d'investir autant d'argent dans un 45 tours, d'autant que les deux faces sont sur le premier album.



Pas de 45 tours donc, mais à la place je me suis procuré cette réédition CD remastérisée disponible depuis 2001, l'année des vingt-cinq ans se l'album : les 14 titres de l'album original et 8 titres en plus à un prix vraiment réduit, puisque j'ai payé mon exemplaire neuf 7 €.
Ramones est vraiment un album excellent et important. Non seulement c'est chronologiquement le premier album de la vague punk (tout ce qui est sorti avant, à commencer par les Stooges, peut rétrospectivement être qualifié de pré-punk), mais c'est aussi l'un des meilleurs, avec Never mind the bollocks, here's The Sex Pistols, mais l'album des Sex Pistols a été enregistré en plusieurs sessions étalées sur plusieurs mois, alors que celui des Ramones a été enregistré en quelques jours en se basant sur les titres joués lors de leurs concerts au CBGB's, ce qui est quand même plus punk.
On prend une vraie claque avec l'enchaînement des quatre premiers titres, l'imparable Blitzkrieg pop ("C'est une ode au fan de rock 'n' roll", selon Tommy Ramone, l'auteur des paroles, "Ça parle de passer un bon moment à un concert, de l'excitation de voir son groupe préféré. C'est à propos des fans et des groupes, une lettre d'amour aux fans."), l'assez rigolo Beat on the brat ("Frappe le morveux avec une batte", chanson que j'ai découverte en tant que Du riz des pâtes, une fameuse adaptation synthétique en français par Les Boum Bomo's, qui se sont aussi rendus coupables d'un Suzy Wan is a punk rocker), l'hymne Judy is a punk, avec des méta-paroles qui annoncent "Deuxième couplet, comme le premier" et "Troisième couplet, différent du premier", et le très tendre I wanna be your boyfriend, un parfait prototype de toute une partie de la discographie de Jesus and Mary Chain.
Prises isolément, les chansons suivantes ne sont peut-être pas toutes aussi bonnes, mais avec quatorze titres en moins d'une demi-heure, on n'a pas le temps de souffler ni de se poser de question, et avec Chain saw et ses choeurs, Havana affair, 53rd & 3rd et la reprise de Let's dance de Chris Montez par exemple, il y a plus de hauts que de moins hauts.
Il y a de très bonnes choses dans les titres bonus, à commencer par la version single de Blitzkrieg pop, au mixage plus tranchant que celui de l'album. Il y a aussi cinq titres de la première démo de 1975, avec des chansons qu'on retrouve sur les trois premiers albums, dont une partie de guitare surprenante sur Now I wanna sniff some glue, plus deux inédits, dont le très bon, I can't be. Et, cerise sur le gâteau, on a droit à deux titres de la deuxième démo des Ramones, produite par Marty Thau, également de 1975, avec deux excellentes versions de I wanna be your boyfriend et Judy is a punk.
A l'issue d'une réunion de la Férarock, j'ai eu l'occasion de voir les Ramones en concert le 1er juillet 1995 à Caen/Hérouville Saint Clair, avec Siouxsie and the Banshees à la même affiche. Le groupe était à un an de raccrocher et le spectacle était parfaitement rôdé. Et on peut vraiment parler de spectacle autant que de concert. Si, dès les premières années, il semble que le groupe donnait des concerts très formatés, avec Joey qui annonçait les chansons systématiquement de la même façon, là, tout était vraiment réglé au millimètre. J'étais assis assez haut dans la tribune, et je me souviens du roadie déguisé en clown qui était chargé de passer sur scène en brandissant une bannière avec l'inscription "Gabba gabba hey !" et qui, à peine fini son tour de piste, se dépêchait de ranger la bannière dans une malle pour le prochain concert avant de passer à la suite de ses tâches.
Ramones a tout juste quarante ans cette année et Warner n'allait pas laisser l'occasion d'en vendre quelques exemplaires de plus. Après quarante ans, le punk se muséifie, les anciens fans quinquagénaires ont les moyens, certains des nouveaux de trente-quarante ans aussi, alors allons-y pour le coffret de luxe des quarante ans ! Au menu, l'album original, à nouveau remastérisé, un CD de démos, dont certaines inédites (mais pas les excellentes démos de Marty Thau !!), et un autre CD live avec deux concerts enregistrés le même jour en 1976 où le groupe joue deux fois les seize mêmes titres ! (alors même que, depuis la sortie de It's alive en 1979, tout enregistrement live des Ramones est redondant)
Dans le livret de 2001, Joey nous vantait la stéréo de Ramones ("Guitare et batterie sur une voie, basse et chant sur l'autre, cela donnait un effet ping-pong", en référence aux Beatles). En 2016, on nous vend une version mono de l'album, qui n'a jamais existé auparavant mais, selon le producteur Craig Leon, les premiers mixages de l'album étaient virtuellement mono et le groupe avait eu le projet d'aller à Abbey Road faire deux versions stéréo et mono de l'album.
Évidemment, le coffret propose cette version mono en bonus du CD, mais aussi en 33 tours, et là les bras m'en tombent, comme à chaque fois que je vois à la FNAC les rayons à nouveau abondamment fournis de 33 tours de nouveautés ou de rééditions à 25 € pièce. Autant j'aime trouver et acheter des vinyles d'époque pour pas trop cher, autant j'ai du mal à comprendre l'intérêt d'acheter des disques artificiellement produits à l'ancienne. Si j'ai le choix, je préfère un CD de qualité à bon prix, version numérique de l’œuvre sur un support physique dont je suis pleinement propriétaire (pas comme certains fichiers acquis en téléchargement, dans lesquels Apple ou d'autres fournisseurs mettent parfois leur nez), à un 33 tours hors de prix et peu pratique, dont le seul avantage reste la belle et grande pochette.
Je ne sais pas ce qui motive la clientèle, mais pour le label c'est très clair : le coffret de luxe se vendra une petite cinquantaine d'euros plutôt que sept...



Un moment clé de la pré-histoire du punk : les Ramones jouent Judy is a punk au CBGB's le 15 septembre 1974 !