30 octobre 2016

EPSYLON : Epsylon


Acquis neuf à Paris vers la fin des années 1980
Réf : MAD 2011 -- Édité par Devil's Records en France en 1985
Support : 33 tours 30 cm
9 titres

Voici le premier disque sur lequel on trouve un membre de ma famille.
Euh, en fait non. En y réfléchissant je me souviens qu'avant ça il y en a eu au moins un autre, mais on va dire qu'on va garder le mini-33 tours des chorales A Cœur Joie de Chalons-sur-Marne pour une autre occasion !
Donc, mon frère Eric, dit Souris, était l'un des guitaristes d'Epsylon. Et pourtant, au moment de sa sortie, je n'ai pas acheté ce disque et je crois bien que je ne l'ai même pas écouté. Ce n'est pas que je ne soutenais pas le projet (j'étais aux premières loges depuis le tout début de l'intérêt de mon frère pour la guitare, puisque je lui avais refilé ma guitare acoustique, avant qu'il achète une copie japonaise de Gibson SG et forme ses premiers groupes avec les copains du quartier des Grévières), mais je savais que la musique, du hard-rock, ne serait pas ma tasse de thé.
Quelques années plus tard, je suis tombé sur cet album déstocké à 10 francs dans une boutique parisienne, et là j'en ai pris un pour compléter ma collection, quand même, et j'ai aussi trouvé, en vide-grenier je crois, un exemplaire du deuxième et dernier album d'Epsylon, Second round.
Le moins qu'on puisse dire c'est qu'Epsylon, groupe amateur fondé en 1979 par Fred Rochette à Vitry-le-François, a su se donner les moyens pour réaliser ce rêve de sortir un album, sur un label indépendant, certes, mais renommé dans le genre (Devil's Records, distribué par Madrigal, a notamment édité des disques d'Attentat Rock, Sortilège et Vulcain), avec même un duo de managers mentionné sur la pochette.
Avant ça, ils avaient continuellement fait preuve d'inventivité et de passion pour se développer, se procurant un local de répétition sous le marché couvert de Vitry, inondant Châlons d'affiches imprimées au boulot à l'usine de papier peint, ou fabriquant leurs propres effets pyrotechniques avec des tubes de métal et de la poudre, au risque de brûler les (longs) cheveux des fans et des membres du groupe ou de crever un œil (ou pire), comme lorsqu'un fumigène trop chargé est parti comme une balle en direction du public.
J'ai récemment eu l'occasion de réécouter Epsylon (Je ne mets pas de liens, mais l'album est disponible en téléchargement gratuit sur le site très complet dédié par Geanne à Epsylon). Le hard-rock n'est toujours pas ma tasse de thé et ne le sera probablement jamais, mais j'ai été surpris, dès l'intro du premier titre Le talisman, par la qualité du son de ce disque, enregistré sûrement sans trop de budget à Gumery dans l'Aube. J'aime notamment bien les guitares de Moi le fou mais, comme toujours avec le heavy metal, j'ai du mal avec le chant assez haut perché.
J'ai vu Epsylon en concert au moins une fois, le samedi 26 février 1983 à la MJC Verbeau, celle de notre quartier d'enfance, où nous avons suivi de nombreuses activités. Celle aussi qui organisait nos premières colonies de vacances. C'était dans le cadre d'un festival malheureusement trop bien nommé Rock au poing, à l'affiche duquel il y avait également Héroïne, Haute Tension et mes potes du Ouane Brothers Band, ce qui avec Epsylon me donnait deux bonnes raisons de me déplacer.
Je n'ai plus trop de souvenir de la prestation d'Epsylon, mais j'en garde un, cuisant, de la soirée.
J'étais venu de la rue Saint-Loup avec mon vélo du moment, qui se trouvait être celui offert dans les années cinquante à ma Maman pour ses 14 ans.
Il y avait pendant toute la soirée une sale ambiance, avec une bande de babanes qui traînait dans le hall de la MJC. J'avais déjà eu affaire à eux en entrant. Peut-être bien qu'ils s'étaient moqués de mon vélo. Toujours est-il que, comme par hasard, je n'ai pas retrouvé en repartant mon vélo à la place où je l'avais laissé, avec son antivol. Je suis retourné dans la MJC pour gueuler un bon coup et espérer retrouver mon véhicule. Je n'ai jamais revu le vélo de Maman, mais j'ai été cueilli à un moment par un coup de poing en pleine figure. De tous les concerts auxquels j'ai assisté, je crois que c'est - heureusement - la seule fois que ça m'est arrivé !
Après le premier album, la formation d'Epsylon a évolué, avec l'ajout d'un clavier, un changement de chanteur et des paroles en anglais. Second round a été enregistré en Allemagne pour un autre label, mais le groupe s'est séparé peu de temps après sa sortie.
Eric a joué dans divers groupes par la suite, dont Daisy Chain et Rosy. Fred Rochette est un musicien et producteur professionnel, qui a notamment monté les groupes Fred FR et Fifty One's.
Les albums d'Epsylon n'ont jamais été réédités et, chez Discogs, ils se vendent assez cher, 30 € en moyenne pour Epsylon, et même plus de 60 € pour un exemplaire de Second round.


Eric dans Epsylon. A lire, un entretien avec Geanne.


Un reportage dans son jus de FR3 sur le rock à Vitry-le-François en 1986, avec Epsylon en vedette.

16 octobre 2016

LITTLE RICHARD : A whole lotta shakin' goin' on


Acquis sur le vide-grenier de Bisseuil le 25 septembre 2016
Réf : 469.801 ME -- Édité par Fontana en France en 1965
Support : 45 tours 17 cm
Titres : A whole lotta shakin' goin' on -- Goodnight Irene -/- Blueberry Hill -- Lawdy Miss Claudie

Il faisait beau et on s'est pointé sur la broc à onze heures bien tapées. Pourtant, sur le stand d'un brocanteur professionnel, qui avait peut-être déballé tard, j'ai très vite trouvé une pile d'une petite vingtaine de 45 tours, de laquelle j'ai extrait deux disques, celui-ci et un EP des Charlots que je ne connaissais pas. Vue la date (1968), je me doutais que ce Je m'énerve serait sans intérêt (J'avais raison...), mais je l'ai pris pour compléter ma collection.
S'agissant d'un pro, je craignais qu'il demande plusieurs euros pour chacun de ses disques, mais j'ai été agréablement surpris qu'il n'en demande qu'un et bien content de récupérer ce beau disque de Little Richard en très bon état, d'autant que la mention "A Vee-Jay recording", plutôt que "Specialty" par exemple, me donnait à penser qu'il s'agissait d'enregistrements originaux des années 1960 plutôt que d'une simple réédition de titres des années 1950.
Si je compte bien, quatre grands pionniers du rock sont encore en vie, même s'ils ne sont pas en très grande forme physique. Il faut croire que le piano conserve mieux que la guitare car, dans le lot, je compte un guitariste, Chuck Berry, et trois pianistes, Fats Domino, Little Richard et Jerry Lee Lewis. Eh bien, les trois pianistes sont en quelque sorte réunis sur ce 45 tours, puisque, outre Goodnight Irene de Leadbelly, Little Richard y reprend le tube de Jerry Lee Lewis de 1957 Whole lotta shakin' goin' on (créé par Big Maybelle en 1952), ainsi que Blueberry Hill de Fats Domino et Lawdy Miss Clawdy, de Lloyd Price certes, mais accompagné par Fats Domino et Dave Bartholomew.
Au début des années 1960, Little Richard s'était passionné pour la religion et avait arrête le rock 'n' roll / rhythm and blues. Dès 1962, cependant, il a repris les concerts dans ce style, poussé entre autres par le regain d'intérêt suscité par ses célèbres fans anglais, dont les Beatles. Fin 1963, il a notamment tourné avec succès en Angleterre, avec également à l'affiche les Everly Brothers et les Rolling Stones.
Les titres de ce 45 tours sont extraits de l'album Little Richard is back and there's a whole lotta shakin' goin' on, sorti en 1964 par son nouveau label, Vee-Jay. Sauf erreur de ma part, seul cet EP est sorti en France, l'album en entier n'aurait pas été édité par chez nous. Un autre album, Little Richard's Greatest hits (des nouvelles versions de ses grands succès) est sorti en 1965, mais ensuite Vee-Jay a fait faillite et les nombreux autres titres mis en boîte lors des sessions des deux albums sont sortis au fil du temps sur différents labels.
J'avais déjà repéré cette version de A whole lotta shakin' goin' on sur ma compilation Vee-Jay. Elle est excellente. En ouverture, Richard annonce qu'il vient de rentrer d'une tournée en Angleterre et que la folie rock 'n' roll y règne. Là, c'est dans les sillons du disque qu'elle règne, avec du piano, bien sûr, de l'orgue aussi, et de la guitare, presque certainement tenue par Jimi Hendrix.
Ça pulse bien également pour Goodnight Irene, avec des chœurs. On ne s'y attendrait pas avec une chanson aussi délicate, mais elle résiste bien à ce traitement qui donne l'impression qu'elle est interprétée soit dans une église évangélique avec une puissant chorale, soit dans un boui-boui du Sud des États-Unis à la fin d'une soirée très arrosée.
Ça continue à chauffer sur la face B, avec une version survitaminée de Blueberry Hill, avec cuivres et chœurs et une belle partie de piano.
Quand j'ai vu que le dernier titre faisait référence à "Claudie" plutôt que "Clawdy", j'ai cru qu'une fois de plus, comme souvent dans les années 1960, le label français avait fait des siennes en se trompant sur l'orthographe du prénom, mais non, déjà sur l'édition américaine de l'album, l'orthographe du prénom a été corrigée et il est inscrit comme à la française. Little Richard s'en donne à cœur joie au piano sur cette version de Lawdy Miss Claudie, mais c'est quand même le titre le moins fort des quatre à mon goût. D'autant qu'on a l'impression vers le milieu, quand le solo de piano est interrompu par la guitare, que deux prises différentes ont été sauvagement collées ensemble sans prendre de gants.
En rentrant de la brocante, j'étais simplement content d'être revenu avec ce 45 tours un peu tardif de Little Richard. En fait, c'est tout simplement l'un des meilleurs disques de rock / r & b que j'ai achetés ces dernières années. Je m'en réjouis !


Little Richard, A whole lotta shakin' goin' on, en direct dans l'émission américaine Shindig !, en 1964.


Little Richard accompagné par Sounds Incorporated, A whole lotta shakin' goin' on, en direct dans l'émission It's Little Richard sur la chaîne Granada, enregistrée à Manchester en novembre 1963 et diffusée le 8 janvier 1964.
Voir l'émission complète mais avec un son pourri. 


15 octobre 2016

L'AMOUR BOITEUX


Acquis dans une benne de recyclage quartier Europe à Reims vers 1993
Réf : [sans] -- Édité probablement dans les années 1900
Support : Carton perforé 0,2 x 8 m
Titre : L'amour boiteux

L'autre jour, je faisais du rangement et je suis retombé sur ce carton perforé  pour orgue mécanique type orgue de barbarie. Depuis que je suis entré en possession de cet objet il y a plus de vingt ans, je cherche ce que je pourrais bien en faire. N'ayant pas d'orgue de barbarie sous la main, je ne risque pas de pouvoir écouter cette chanson !
Une fois de plus, j'allais remettre le carton dans une pile quand j'ai eu un flash. Après tout, ce carton est plus ou moins un support d'enregistrement sonore (en tout cas, avec l'appareil adéquat, il permet d'écouter de la musique...), il aurait donc toute sa place ici. Et, vu son âge, il me permet de créer la rubrique des années 1900, alors qu'il y a encore trois ou quatre ans je ne pensais pas remonter au-delà des années 1930 (Pour aller encore plus loin, dans les années 1890, il faudra que je me trouve un cylindre...).
J'ai récupéré cet objet un peu de la même façon qu'une des œuvres d'un prix Nobel de Littérature : j'étais allé comme j'en avais l'habitude vider mes stocks de papier et de verre à recycler à la déchetterie du quartier Europe à Reims quand j'ai aperçu dans la benne à papier des livres qui avaient l'air anciens. La benne était suffisamment pleine pour que je saute dedans (même si c'est interdit) et j'ai récupéré quatre ou cinq livres et ce carton.
Les livres se sont avérés être des reliures anciennes de partitions, certaines remontant au 18e siècle. Au fil du temps, j'ai pu leur trouver une bonne maison. Par contre, ce carton perforé me reste toujours sur les bras.
J'ai bien cru pourtant avoir trouver une solution fin 1997 : un de mes collègues de travail, du genre du parisien qui a accepté de son plein gré un poste bien payé avec la sécurité de l'emploi mais qui estime avoir injustement été exilé en province, était spécialisé dans l'étude des musiques populaires. Comme il était en relation avec le Musée National des Arts et Traditions Populaires (à Paris, où d'autre ?), j'ai proposé de lui confier le carton pour en faire don au musée. Il a accepté mais, quelques temps plus tard, après que le désormais ex-collègue avait enfin obtenu sa mutation de retour à Paris, un autre de mes collègues m'a appelé pour que je vienne récupérer une enveloppe : en rangeant le bureau du parisien, il était tombé sur mon carton perforé et ma lettre d'accompagnement, où je racontais comment j'avais récupéré l'objet et où je disais que, dans la mesure du possible, je serais heureux d'écouter un enregistrement de la chanson en question.  Mon collègue n'était pas digne de confiance et mon enveloppe n'avait jamais quitté Châlons...
Pendant des camps de vacances, j'ai eu l'occasion de visiter trois ou quatre fois dans les années 1970 le musée Baud à Auberson, en Suisse, mais, en-dehors de ça, je ne connais à peu près rien à la musique mécanique.
Tout ce que je sais, c'est que, sur la couverture du carton, il y a écrit à la plume "L'amour boiteux - Polka".
De nos jours, c'est suffisant pour, en quelques dizaines de minutes, en apprendre pas mal sur cette chanson. C'est notamment sur l'excellent site Du temps des cerises aux feuilles mortes que j'ai trouvé le plus d'informations utiles (Comme c'est bizarre, un des sites les plus complets sur l'histoire de la chanson française est canadien...).
L'amour boiteux est une chanson qui a été créée en 1901 à l'Alcazar d’Été par Fragson. On peut écouter sur YouTube un enregistrement par Fragson, qui date probablement de 1903. La musique est de Harry Fragson et les paroles de Léo Lelièvre, né à Reims en 1872, et de Paul Briollet.
La chanson a été un succès. La partition petit format réservée à la vente de la rue, qui était alors le format le plus populaire de commercialisation de la musique, indique que cette "chansonnette" s'est vendue au moins à 150 000 exemplaires.



Les différentes éditions de la partition nous apprennent que L'amour boiteux a été aussi interprété par Lejal et par Strit aux Ambassadeurs.

Les paroles de la chanson  sont légères mais réussies. Avec le recul, je me dis que a) la polka était populaire à Paris au début du 20e siècle et b) je me demande bien ce qu'était un sapin caoutchouté.

Par une soirée radieuse
J'aperçus sautillant devant moi
Une jolie petite boiteuse
Qui me mit le cœur aux abois
Je m' dis "Cette pauvre enfant
N'a sûrement pas d'amant
Elle n' connaît pas l'amour
Si j' lui faisais la cour
Ça serait une bonne action
J' vais lui peindre ma passion
Et pour reposer ses p'tits pieds
J'offre un sapin caoutchouté

Et je m' disais, la voyant si gentille
"C'est bien dommage qu'elle boite comme ça
La pauvre fille
Et qu'en marchant elle danse la polka
Mais quand elle est en fiacre, on n' s'en aperçoit pas"

Dans un bar de la Madeleine
Je lui fais faire un p'tit souper
Elle mangea sans perdre haleine
De quoi nourrir quatre cuirassiers
Je lui fis boire du Bordeaux
Du Madère, du Cliquot
Et du Saint-Émilion
Pour la remettre d'aplomb
Je m' dis "Cré nom d'un chien
Comme elle boite et mange bien"
De sorte qu'après ce p'tit gueuleton
Elle faisait la roue dans l' salon

Et je m' disais, la voyant si gentille
"C'est bien dommage qu'elle boite comme ça
La pauvre fille
Mais c' qui m' console, c'est qu'après un bon repas
Quand elle roule sur la tête, on s'en aperçoit pas"

J' l'emmène chez moi rue Serpente
J'étais emballé complètement
J' trouvais une saveur piquante
À son gracieux déhanchement
En montant l'escalier
J'entendais su' l' palier
Ses petits souliers neufs
Faire "Cinq et quatre font neuf"
Elle entre dans mon logement
Je l'embrasse tendrement
Heureux d' voir qu' son pied démanché
Ne l'empêchait pas de marcher

Et je m' disais, la voyant si gentille
"C'est bien dommage qu'elle boite comme ça
La pauvre fille
Mais c' qui m' console et me tire d'embarras
C'est qu' quand elle est couchée, on s'en aperçoit pas"

Le lendemain, quand je m'éveille
Je m'aperçois avec émoi
Que ma boiteuse de la veille
Marchait aussi droit qu' vous et moi
J' lui dis "Comment ça s' fait
Qu'hier soir tu boitais
Tu n' boites plus maintenant
Vraiment, c'est épatant
C'est sans doute mes baisers
Qui t'ont remise sur pied
Te voilà guérie en un jour
C'est un miracle de l'amour"

Elle me répond "J' vais t' raconter l'histoire :
Si je boitais c'est qu'hier soir
Une vieille poire
M'avait donné une thune pour mes appas
Et que je l'avais fourrée dans le fond de mon bas"

La chanson était suffisamment populaire pour que, une bonne dizaine d'années plus tard, Charlus en enregistre une version sur disque 78 tours. J'ai appris en lisant la biographie de Charlus que, entre 1895 et 1900, chaque enregistrement sur cylindre était unique, non reproductible. Donc, le chanteur devait interpréter la chanson autant de fois qu'il y avait d'exemplaires fabriqués (enfin presque, car quatre cylindres pouvaient être gravés à la fois) ! Dans ses mémoires, Charlus indique avoir été enregistré plus de 80 000 fois chez Pathé !

Je ne sais pas si j'aurais un jour l'occasion de l'écouter, mais je sais bien que la musique encodée sur mon carton est instrumentale. L'arrangement ressemble peut-être plus à ceux qui ont été faits en 1902, en polka-marche par Alfred Patusset en 1902 ou en marche-défilé pour musique militaire par Onésime Coquelet.
L'amour boiteux est même mentionnée dans la littérature ! Anne-Catherine Baechtel indique dans un mémoire de Master que, page 533 du roman Les voyageurs de l'impériale de Louis Aragon, le personnage de Dora, ancienne prostituée, se met à chanter le refrain de la chanson lorsqu’elle est dans le funiculaire qui la mène à Garches.

09 octobre 2016

DION : Les plus grands succès de Dion


Acquis chez Récup'R à Dizy le 24 septembre 2016
Réf : LD 619-30 -- Édité par Vogue en France vers 1964
Support : 33 tours 30 cm
12 titres

Une ressourcerie a ouvert cette année dans ma communauté de communes. Jusqu'à présent, je n'y avais pas fait de bonnes affaires, surtout parce que je n'y avais rien trouvé à mon goût, mais aussi parce qu'initialement, contrairement aux livres et aux CD, les vinyls étaient vendus trop chers. Désormais, les prix ont été divisés par deux pour s'aligner sur ceux d'Emmaüs, et c'est très bien comme ça.
Alors, quand j'ai décidé d'y passer un samedi matin de septembre, c'était plus par acquit de conscience qu'autre chose. Initialement, j'ai quand même trouvé deux 45 tours assez intéressants. Ensuite, j'ai hésité à regarder les 33 tours, car il y avait visiblement surtout de la variété et il me semblait bien qu'ils étaient déjà là lors de mon précédent passage. Mais je les ai regardés quand même vite fait et, à un moment, après avoir soulevé un carton de 45 tours posés sur des albums, j'ai révélé une affichette indiquant "Arrivage de la semaine" et je suis tombé sur un gisement d'une trentaine de 33 tours des années 1960, aux pochettes en parfait état, parmi lesquels, passablement excité, j'ai fait mon choix.
J'ai laissé quelques "surprise parties" que j'avais déjà ou qui ne m'intéressaient pas, des Petula Clark et de la variété-musette, mais je suis reparti avec onze albums, par Geno Washington and the Ram Jam Band, Nancy Sinatra, Sandie Shaw, Ray Charles, Josh White, Michel Paje, Miriam Makeba, Jack Hammer, Les Fantômes, ainsi qu'une compilation intitulée Shame and scandal in the family. Excusez du peu !
Ce qu'il y a d'assez bizarre dans ce lot c'est que, même si musicalement on y trouve des genres assez variés représentatifs de l'époque, les disques ont tous un point commun : qu'ils soient édités sur label Roulette, Pye, Mode, ou Reprise, ils ont tous fabriqués et distribués par Vogue. Soit ils appartenaient à un collectionneur monomaniaque qui n'achetait que des productions de cette maison, soit, plus probablement, ils viennent de chez quelqu'un qui avait un lien avec Vogue.
Pour vous présenter ce lot, j'ai choisi Les plus grands succès de Dion, une compilation "hully gully & twist", "spécial teenagers", pour sa pochette qui claque et aussi parce que je ne tombe pas tous les jours sur un album d'époque de Dion.
En groupe avec The Belmonts à la fin des années 1950 et en solo dans la première moitié des années 1960, après la folie rock 'n' roll et avant la Beatlemania, Dion a eu de nombreux succès aux États-Unis et dans le monde entier et pourtant, avant d'acheter ce disque, je n'aurais probablement pu en citer qu'un seul, The wanderer, que j'ai depuis longtemps sur une édition de la bande originale du film de 1979 The wanderers.
La musique de Dion, c'est de la pop, qui incorpore une forte proportion de doo wop, du rock et du rhythm and blues.
Les titres qu'on retrouve ici sont pris parmi ceux qu'il a enregistrés chez Laurie Records, en solo mais avec l'appui du groupe vocal The Del-Satins, de 1960 à 1962.
Le début de l'album est un peu décevant, y compris The majestic, qui était pourtant la face A du 45 tours où l'on trouvait l'excellent The wanderer. Mais, à partir de Love came to me, ça devient nettement plus intéressant.
Mon titre préféré de l'album est une reprise d'une chanson de Fats Domino de 1955, I can't go on. C'est un signe, mais c'est sûrement le seul titre du disque qui date de l'époque Dion and the Belmonts : Rosalie (I can't go on) est sorti sur un 45 tours en 1958, et Laurie l'a mis sur un album de Dion en 1963, après son départ du label pour Columbia. C'est ce qu'il y a de plus fou ici, avec des chœurs à la Papa oom mow mow. C'est bien plus sauvage que la version originale !
La face B est d'une excellente tenue, de Come go with me à
Runaround Sue, en passant par l'excellent Lovers who wander, Little Diane, avec peut-être bien un kazoo, Sandy et une reprise de Kansas City avec un solo de guitare d'autant plus remarquable qu'il y en a peu sur le reste du disque.
A certains moments en écoutant cet album, on se dit que les chansons de Dion font partie de celles qui, à la radio, ont dû bercer un Jonathan Richman d'une dizaine d'années.
Comme indiqué au dos de la pochette, plusieurs des succès de Dion ont été adaptés en français, comme Le vagabond (The wanderer) par Richard Anthony.
Les copains (Alain et Claude), qui étaient aussi chez Vogue, ont enregistré  La chanson de mon coeur (Runaway girl) et Indifèle (Runaround Sue), et j'ai trouvé deux autres adaptations de cette chanson,
Pas sincère par Les Vautours et Volage, pas très bien chantée ni jouée par Les Chaussettes Noires. "Infidèle", "Pas sincère", "Volage", la pauvre Sue en prend pour son grade, mais c'est pour une fois dans l'esprit des paroles originales, qui la présente comme sortant avec tous les gars de la ville.
Les tubes sont devenus plus rares pour Dion après 1965, mais aujourd'hui il continue d'enregistrer et de tourner, et a eu l'occasion au fil des ans de collaborer avec Phil Spector, Bruce Springsteen et Lou Reed, qui l'a invité sur New York.
Pour ma part, je me félicite de l'existence des ressourceries et autres boutiques caritatives, car ce n'est pas sur les vide-greniers que j'ai trouvé cette année des 33 tours et 45 tours de cet acabit.



Dion, The wanderer et Runaround Sue, à la télévision américaine (avec sûrement le son du disque remis sur les images). Pour le coup, je crois que j'apprécie mieux la musique sans ces images un peu ringardes.



Le 45 tours américain et l'EP français de 1961 dont la photo de pochette a été reprise pour cette compilation.

07 octobre 2016

FUN LOVIN' CRIMINALS : Scooby snacks


Acquis sur le vide-grenier d'Athis le 11 septembre 2016
Réf : 7243 8 882857 2 8 -- Édité par EMI en Europe en 1995
Support : CD 12 cm
Titres : Scooby snacks -/- Blues for suckers

Je suis tombé sur ce CD deux titres à pochette cartonnée à quelques minutes et quelques mètres d'écart du 45 tours "spécial frotti frotta" de Material. A 25 centimes, je n'allais pas m'en priver, d'autant que je me souvenais que Scooby snacks est mon titre préféré du premier album de Fun Lovin' Criminals. Quand on a reçu Come find yourself à la Radio Primitive, c'est celui-là que j'avais décidé de passer dans mon émission Vivonzeureux! (en attendant la mort...). C'est aussi le plus grand succès commercial du groupe.
Par contre, j'avais complètement oublié que j'avais déjà ce titre à la maison, en dernière position sur une édition du CD single The fun lovin' criminal.
Vingt ans après, Scooby snacks fonctionne toujours très bien. Il y a un côté hip hop avec des couplets rappés, mais le groupe est un trio de musiciens et le refrain chanté est accrocheur. L'univers de Tarantino, auquel la pochette fait référence, est bien utilisé, avec des extraits de dialogues de Reservoir dogs et Pulp fiction. Il y a aussi une référence new wave obscure avec l'utilisation d'un échantillon de guitare tiré de Movement of fear de Tones On Tail, un projet auquel participait Daniel Ash, le bassiste de Bauhaus. Mais je crois que ce qui m'accroche le plus à cette chanson, ce sont les quatre notes de basse énorme et les quelques coups de guitare qui le cisaillent.
La face B, Blues for suckers, n'était pas sur l'album. Elle figurait à l'origine sur le tout premier single du groupe, Original soundtrack for Hi-Fi living, sorti l'année précédente. On est très proche dans l'esprit de ce que faisait à la même époque G. Love & Special Sauce.




Fun Lovin' Criminals, Scooby snacks, qui passe bien sur scène au milieu d'une folle marée humaine au festival de Glastonbury en 1999.

02 octobre 2016

CALIFORNIA BLUES


Acquis chez A La Clé de Sol sûrement à Reims sinon à Châlons-sur-Marne dans les années 1980
Réf : 30 AB 5603 -- Édité par Musidisc en France vers 1975
Support : 33 tours 30 cm
12 titres

Radio Primitive a annoncé le 13 septembre la mort la veille au soir de Gérald Aubépart, alias Gégé de Closing Time.
Depuis qu'il avait démarré son émission en 1983, il en était venu à incarner la passion pour le blues au sein de la station. Même après avoir quitté Reims pour Rouen au moment de sa retraite, il a continué à produire son émission.
Du studio du Chemin Vert à celui de la rue Flodoart, il me semble que nos émissions étaient souvent programmées le même soir. C'était j'en suis sûr effectivement le cas pendant toute une grosse moitié des années 1990, quand j'animais l'émission Vivonzeureux! (en attendant la mort...). Et j'ai aussi eu souvent l'occasion de côtoyer Gégé lors des réunions de CA et les AG de la radio, où il exprimait et défendait fortement ses opinions, à commencer par la nécessité d'augmenter la paie de nos salariés !
Gégé ne se contentait pas d'acheter des disques et de les passer à la radio. Il jouait aussi de la basse électrique (dans un style blues, est-ce besoin de le préciser ?) et il a organisé au moins huit Nuits du Blues et d'autres concert, notamment à L'Usine et à la M.J.C. Claudel. Et dès qu'il le pouvait, il se rendait aux sources du blues, aux États-Unis, pour écouter dans les clubs cette musique toujours vivante et aller à la rencontre des musiciens. On trouve sur le site de Closing Time les playlists de ses émissions, ainsi que des albums photo de ses derniers voyages.
J'ai appris dans l'annonce de son décès par Soul Bag que l'activisme Blues de Gégé ne se cantonnait pas à Radio Primitive. Il était membre du Collectif des Radios Blues et avait lancé il y a deux ans le projet d'Une histoire de blues dans 100 chansons, un projet qu'il n'aura malheureusement pas pu mener à terme, mais on peut l'écouter commenter les quatre-vingt dix premières chansons qu'il a sélectionnées.
En repensant à Gégé ces derniers jours, je me suis souvenu qu'il avait fait, involontairement et indirectement, une apparition dans la vidéo réalisée début 1987 pour Someone stole my wheels de JC Brouchard with Biff, Bang, Pow !. En effet, on voit pendant quelques secondes les images d'un spectacle de marionnettes de Barbara Mélois, avec un guitarise à l'image de Gégé.



Pour rendre hommage à Gégé, j'ai choisi dans mes étagères un disque, de blues bien sûr, qui aurait été susceptible de l'intéresser (et sur lequel bien sûr il aurait eu beaucoup plus de choses à dire que moi).
Mon choix s'est porté sur cette compilation California Blues, troisième volume de la collection Anthology of the Blues, parue au début des années 1970 sur Kent Records, qui rééditait des titres parus sur les labels des frères Bihari dans les années 1950.
Les douze volumes de la collection ont été édités en France par Musidisc au milieu des années 1970. Une édition "économique", vendue à un prix relativement bas, qui se dispensait des pochettes ouvrantes de l'édition originale mais avait la bonne idée de conserver les belles photos couleurs des pochettes.
Je me souviens que, fin 1979 ou début 1980, la FNAC Montparnasse avait un rayon Blues très fourni, avec toute la collection au prix imbattable de 23 francs (une fois et demi le prix d'un 45 tours environ). J'en étais reparti avec les deux volumes entièrement dédiés à Elmore James.
Quelques années plus tard, j'ai trouvé chez A la Clé de Sol ce volume de Blues de Californie, en solde mais malgré tout un peu plus cher que les disques de la FNAC (25 francs...).
La face A est une compilation avec Johnny 'Guitar' Watson, George Smith, James Reed et Walter Robertson.
Autant je n'aime pas trop de peu que je connais du Johnny 'Guitar' Watson des années 1970 et 1980, autant j'apprécie son jeu de guitare ici sur Three hours past Midnight, de 1956.
J'ai été saisi à l'écoute de Hey, Mr. Porter de George Smith (un enregistrement de 1956 plus connu sous le titre Down in New Orleans). C'est autant du rock 'n' roll que du rhythm and blues ! :rythme binaire, tempo très rapide qui semble encore s'accélérer en cours de morceau, piano, chant yodelé et harmonica par George Smith. Excellent !
Sur la face B, on trouve six titres enregistrés en 1954 par Johnny Fuller. De l'excellent blues, très classique. J'apprécie particulièrement Buddy, qui est presque comme une pièce de théâtre, dans laquelle Johnny interprète deux rôles, le sien et celui du pote dont il est question dans le titre. Le pote frappe à la porte et Johnny le prévient avant d'ouvrir que, s'il essaie de fricoter avec sa femme, ce sera la fin. Le pote, interprété avec une voix plus haute, dit qu'il a déjà entendu dire que sa femme traîne à droit à gauche. A la fin, Johnny dit qu'il va prendre son flingue (même si je ne comprends pas le mot qu'il emploie, qui sonne comme "John Lee Hooker") et le farcir de trous. Mais ce blues se termine sur une note d'humour, puisque Johnny dit tout à la fin "Oh flûte, je l'ai raté !".